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germanisme, » s’ils ne les obligeaient d’abord à expier leur refus obstiné d’accepter, à la fois, la lumière divine et la lumière allemande ?


Et donc, mes frères, croyez bien que l’âme allemande est, en même temps, l’âme du monde et celle de Dieu, et qu’ainsi elle ne peut manquer d’établir son empire sur l’humanité ! Remplissez-vous de cette certitude, que l’essence du germanisme ne fait qu’un avec l’essence du christianisme ! Oh ! puisse seulement notre Dieu allemand parvenir bientôt à conquérir le monde ! Puisse une victoire éternelle s’épanouir bientôt devant le Dieu de l’âme allemande !


Oserai-je l’avouer, après toutes ces citations que j’ai faites des sermons du pasteur Lehmann ? Si complet que nous semble son exposé de la religion du « Dieu Allemand, » il y a cependant un point sur lequel le prédicateur holsteinois est loin d’insister autant que le font presque tous ses confrères. Et ce point capital, c’est le droit et le devoir qu’ont les Allemands d’employer tous les moyens possibles pour exécuter la vengeance de leur Dieu. « Travaillez de toutes vos forces à châtier les ennemis de votre Dieu national ! Travaillez-y, à la rigueur, sans haïr vos victimes ; mais n’oubliez pas que vous êtes le peuple élu de Dieu, et que ce titre vous confère non seulement la faculté, mais l’obligation de ne reculer devant aucune violence pour assouvir la haine sacrée de votre divin Maître ! » Telle a été la doctrine morale dont des centaines d’aumôniers ont nourri, depuis bientôt trois ans, le soldat allemand, en même temps que, d’autre part, des théories et des préceptes analogues lui étaient suggérés, sur un ton plus « laïque, » par ses officiers et par les innombrables auteurs de brochures, sérieuses ou « plaisantes, » qui ne cessaient point de lui être données pour ses heures de loisir. Mais le rôle de ces brochures nous est assez connu : tandis que nous voici redevables au professeur Bang de connaître, également, la part énorme qui revient à l’élément « religieux » dans l’effroyable transformation du type à peu près ordinaire de « chrétien » qu’avait été, jadis, le Michel allemand, en un être de carnage et de fureur bestiale, dépouillé de son vernis séculaire d’humanité par sa conversion au dogme monstrueux d’un « Dieu Allemand ! »


Sans compter que l’on ne saurait imaginer un réquisitoire plus modéré, de forme et de fond, que celui de l’éminent professeur de théologie danois contre les étranges et funestes innovations