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entretenir ses ouailles beaucoup plus volontiers de politique au jour le jour que de théologie. « En avant sur Paris, — lisons-nous dans le premier de ses Sermons de Guerre, — et toi, lâche et frivole France, prends garde à toi ! Voici que nos plus glorieux ancêtres sont sortis du tombeau et ont repris leur place parmi nous : Blücher, Gneisenau, Moltke et le Grand Frédéric ! Et vous, Russes à demi sauvages, et autres brutes slaves, avez-vous donc oublié qu’il n’y a rien à tirer pour vous de l’Allemagne que des coups allemands ? » Le sermon du 30 août n’est vraiment, d’un bout à l’autre, qu’un farouche cri de haine contre l’Angleterre. « Voici donc que l’Anglais, lui aussi, a enfin commencé à sentir les coups allemands ! (Et comment ne pas noter, ici encore, l’étrange prédilection de cet apôtre de l’Évangile pour l’image, éminemment « temporelle, » de ces coups allemands ? )… Oui, notre gorge se soulève d’indignation contre ce peuple qui, au milieu de l’effroyable conflit des nations, ne pense toujours encore qu’à son business ! Mais bientôt un jeune géant invincible, le peuple allemand, aura raison de lui. Voilà déjà que nous tenons la Belgique, et que l’instant approche où nous disposerons, pareillement, de l’immense Russie ! Qui de nous n’éprouve le pressentiment d’assister à un tournant décisif de l’histoire moderne, au sortir duquel ce sera nous, les Allemands, qui deviendrons la force motrice du monde ? »

Aussi bien M. Karl Kœnig n’est-il pas le seul « politicien » parmi la douzaine de pasteurs, professeurs de théologie, et autres dignitaires de l’Église Évangélique d’Allemagne dont les « sermons de guerre » viennent d’être soigneusement analysés et en partie reproduits par un écrivain danois, M. J. P. Bang, chargé lui-même d’enseigner la théologie luthérienne à l’université de Copenhague. C’est chose certaine, par exemple, que les préoccupations d’ordre « spirituel » ne tiennent qu’une place accessoire dans les Dévotions de Guerre' d’un autre pasteur berlinois, le « licencié » et « docteur » : Johann Rump, prêchées et publiées en 1915 avec un succès merveilleux. Tantôt, dans ces Dévotions, le pasteur Rump offre à ses compatriotes un ample et fastueux portrait de leur Empereur : « Nous tous croyions le connaître avant la guerre, en ces années d’attente où, seul sincère au milieu d’une génération menteuse, comme un véritable Israélite sans péché, il se montrait librement aux regards respectueux de son peuple et du monde. En réalité, cependant, nous ne l’avions connu que d’une manière incomplète. Il a fallu cette guerre pour nous montrer que les plus grands des Hohenzollern sont