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REVUE DRAMATIQUE


LES LIONNES PAUVRES à la Comédie-Française


Les Lionnes pauvres ont fait leur entrée à la Comédie-Française. Ce n’a pas été une entrée triomphale. La pièce a paru vieillote et falote. Il est vrai qu’elle n’est guère bien jouée et que la mise en scène en est sans agrément. Mais la faute n’est pas seulement aux interprètes et au metteur en scène, elle est bien à la pièce elle-même, qui a cessé de porter sur le public. Retrouvera-t-elle quelque jour son action sur lui, et, avec le temps, éveillera-t-elle de nouveau cet intérêt de curiosité qui s’attache aux choses d’autrefois ? Pour l’instant, elle n’est que démodée. On l’a écoutée avec une attention déférente : à vrai dire, sans plaisir et sans émotion. La plupart des mots font long feu, presque tous les effets ratent, et on n’a aucune envie de pleurer aux endroits pathétiques. Il faut un effort pour se représenter que l’œuvre est loin d’être négligeable, qu’elle a eu du succès et qu’elle le méritait, — mieux encore : qu’elle a fait scandale !

Car les Lionnes pauvres sont un des ouvrages les plus réputés d’Emile Augier, un des spécimens les plus caractéristiques de la comédie de mœurs telle qu’on la pratiquait sous le Second Empire. La formule a cessé de plaire : ce n’est nullement la preuve qu’elle valût moins qu’une autre. L’auteur dramatique, d’après cette conception, était d’abord un moraliste qui, venant de découvrir une plaie sociale, la révélait à ses contemporains et s’arrangeait pour que sa découverte ne passât pas inaperçue. C’était l’affaire de la définition ingénieuse, piquante, surprenante, et du couplet énigmatique et précieux, sur le modèle du couplet des pêches à quinze sous : « Séraphine appartient à cette catégorie de Parisiennes mariées que j’appelle, moi, les Lionnes pauvres. » Le mot est lancé ? l’explication suit