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de Herrick d’avoir vu avec cette lucidité les données du grand problème, et d’avoir été dans cette crise la conscience supérieure de son peuple. Son livre est ainsi une des contributions les plus hautes de l’Amérique à la littérature durable de cette guerre. Par la variété des idées, des préoccupations et des inquiétudes dont elle est chargée, elle est peut-être la plus caractéristique de toutes et, dans sa complexe originalité, la plus américaine[1].


III

Il ne faut pas demander aux théoriciens du droit international et de la politique, aux historiens et aux philosophes américains, les vives qualités littéraires, ni espérer trouver dans leurs œuvres l’intérêt dramatique du livre de Herrick. Toute analyse détaillée du réquisitoire de Beck : The Evidence in the Case : des lucides essais du Président Eliot : The Road toward Peace : des écrits de Mark Baldwin, de Morton Prince, de White, même des suggestives dissertations de H. A. Gibbons, de R. Usher et de Morton Fullerlon, serait déplacée dans un exposé de la contribution proprement littéraire des Etats-Unis au grand débat. Certes Usher, Gibbons, et surtout Morton Fullerton, sont des écrivains de valeur ; mais ce sont avant tout des spécialistes, et le détail de leur pensée déborderait non seulement les cadres, mais l’esprit de cette étude. Et puis, par le caractère abstrait et général de leurs préoccupations, ces juristes, ces professeurs, ces historiens de l’Est sont moins citoyens de leur pays que du monde : plusieurs d’entre eux sont profondément européanisés ou même établis parmi nous ; et c’est la pensée européenne ou cosmopolite qu’ils expriment plutôt que la pensée spécifiquement américaine. De même, malgré l’éclat et la force des explosions périodiques de Roosevelt, malgré la vigueur et la haute tenue littéraire des articles de Simonds, l’intensité presque fanatique d’émotion qui brûle dans les beaux articles de Arthur Gleason, l’ironique finesse de ceux de Walter Lippmann, les pénétrantes analyses des purs intellectuels de la New Republic, férus d’Américanisme intégral, dédaigneux des idéalismes nationaux des vieilles races, malgré toute la valeur documentaire et parfois artistique de ces écrits

  1. Une traduction française de ce livre va paraître à la librairie Didier.