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Cette âme d’un peuple toujours plus grande que l’âme individuelle et, par le fait même qu’elle sort de l’humble peuple, condamnée à souffrir pour la foi qu’elle atteste, parle avec une autre autorité que les intellectuels et autres membres bien abrités de la communauté.


La longue agonie d’indécision politicienne est finie : le poète, le peuple, la tradition latine, l’éternel idéal humain l’ont emporté sur les conseils de la prudence et les suggestions des politiciens et des diplomates. La grande, la pure Italie, radieuse de son âme retrouvée, part à l’appel de sa destinée pour cette lutte à mort entre deux principes de vie qui s’excluent. « Qui n’est pas avec moi est contre moi. Dans les grandes questions de la vie il ne saurait y avoir de neutralité, » et l’Italie a rejeté pour toujours ses neutralistes.

C’est, plus encore que l’idée de cette lutte entre les Germains et les Latins, le puissant intérêt dramatique de cette première partie qui lui donne sa forte unité. Dans la seconde, consacrée à la France, la même idée est reprise, est élargie, et c’est son développement qui, comme un leitmotiv, relie les vives images de Paris, de Reims, de Champagne, des champs de bataille. Herrick décrit les blessures inoubliables que porte la figure de la France, et qui montrent le mépris allemand pour les antiques piétés et les traditions de la race des hommes :


Et c’est parce que ni la beauté, ni l’humanité, ni l’antique tradition, ni la commune pitié ne peuvent émouvoir le Teuton qu’il faut que cette guerre soit menée jusqu’au bout. Il n’y a pas de place à la fois sur cette terre pour l’idéal germanique et l’idéal latin : l’un des deux doit périr.


Ce que c’est que cet idéal germanique, Herrick le montre dans sa puissante étude du « barbare. » La France lui révèle le sens profond de ce mot que son peuple, comme ses philosophes, applique pareillement, à l’Allemand ; car mieux encore que l’Italie, la France, héritière de la tradition grecque et de la latine, la plus anciennement et la plus finement civilisée des nations européennes, non seulement par instinct, mais par lucide analyse consciente, a démêlé toute l’abjection de cette conception barbare de la vie, dont sa délicatesse native la sépare plus efficacement que mille années dans le temps ou mille