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de la tranchée. Et sur cette vallée de la mort et du Jugement dernier sourit la chaude lumière silencieuse.

Les expériences de Johnson se terminent sur cette vision d’intolérable horreur que supportent indéfiniment, sans défaillance, nos poilus. Un entretien avec le général Joffre achève de lui faire comprendre la source de ce tranquille héroïsme. ; Chaque soldat est un individu, non comme chez les Allemands une machine, et la discipline qui les lie est faite d’intelligente fraternité et de libre acceptation ; elle n’est pas la discipline de la peur : ils sont une grande famille démocratique, unie par des confiances réciproques, et qui veut être libre. Ils savent que la paix sans décision serait un crime envers leur postérité. Une telle paix serait la préparation d’autres guerres, une capitulation aux forces d’esclavage, le renoncement à toute liberté humaine. Tous, et les femmes de France, sublimes, se sont sacrifiés sans une plainte à l’idéal de leur race et de leur intelligence réfléchie. Mais il ne faut pas que leur sacrifice ait été fait en vain. Et devant la splendeur de cette foi démocratique, Johnson rougit du pacifisme de tels de ses concitoyens ignorans de l’âme qui s’est révélée à lui, et qui ne comprennent pas que c’est pour eux que meurent ces héros.

Et dans un dernier chapitre : La vérité sur la France, il essaie de montrer que le miracle français n’est que l’affleurement de la France vraie, profonde, éternelle, celle de Jeanne d’Arc et de Valmy, dissimulée aux superficiels regards étrangers par l’écume de corruption qui flotte à la surface. Il dit cette France indomptable, patiente, paysanne, terre de labeur obstiné, d’économie et de générosité, d’intelligence et de beauté, nourricière de tous les dévouemens, de tous les idéalismes, de toutes les constances généreuses ; et elle lui paraît la plus haute conscience éclairée de l’humanité. La leçon de cette guerre est pour lui la révélation de cette union morale française, de la vitalité française, de l’âme française, « la plus fine, la plus profonde, la plus noble, la plus humaine » que le jugement dernier des peuples ait découverte.


II

Avec Owen Wister, J. J. Chapman et Robert Herrick l’horizon s’élargit. Derrière l’immense tragédie étalée sous leurs