Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/898

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES ÉCRIVAINS AMÉRICAINS
ET
LA GUERRE

Les États-Unis ont déclaré la guerre à l’Allemagne. L’opinion américaine, si longtemps divisée, aujourd’hui est une. La brutalité allemande a enfin eu raison d’un pacifisme qu’elle croyait à l’épreuve de tous les assauts. M. Ford lui-même se rappelle tardivement que l’aigle et non la colombe est l’emblème de son pays. Même M. Bryan semble sortir de son rêve de somnambule inconscient et, pour la première fois de sa vie, se tait.

Le magnifique message du Président a fait renaître les traditions anciennes d’idéalisme américain et a vaincu le tenace, l’immémorial principe de non-intervention dans les affaires européennes. Mais la cristallisation soudaine née du choc allemand avait été préparée silencieusement par un travail qui, peu à peu, a fait pénétrer dans la conscience américaine des idées, des sentimens, des impulsions dont l’absence a longtemps paralysé le Président, si parfaitement averti sur la psychologie de son peuple, et qui n’a voulu agir qu’avec la certitude que son action serait comprise, et serait efficace. Si paradoxal que cela puisse paraître, son pacifisme obstiné a rendu possible la guerre ; et mieux encore que toute excitation, sa longue patience à épuiser toutes les possibilités pacifiques a ruiné les oppositions. Il a toujours conçu son rôle de Président comme celui d’un éducateur de la démocratie américaine ; et ses leçons, parfois mal comprises ici, ont porté. Mais