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la révolution ! Le manifeste de Viborg, après la dissolution de la première Douma, avait invité le peuple russe a refuser l’impôt et le service militaire. En 1916, les libéraux de la quatrième Douma lui demandaient de ne pas marchander les sacrifices pour la guerre jusqu’au bout.

Rénover la Russie par la liberté pour la faire plus grande et achever ses destinées nationales, c’était, au fond, une idée d’intellectuels, une idée de bourgeois. Cette quatrième Douma, elle était bourgeoise, en effet. Comment, de cela aussi, l’Empereur ne s’est-il pas rendu compte ? C’était à la suite des restrictions du droit électoral opérées en 1907 et en 1911, que la quatrième Douma avait été élue. Cens, curies, découpage des circonscriptions, tout avait été combiné pour obtenir une Douma souple et gouvernable. Cette Douma, on l’avait obtenue. Et il suffisait d’un peu de mémoire pour comprendre qu’au fond c’était une Douma « introuvable » et que l’on devait s’estimer heureux de l’avoir telle qu’elle était, lorsqu’on la comparait aux premières expériences du régime constitutionnel, aux premiers résultats des consultations populaires.

Nous croyons, sans pédantisme, pouvoir dire que ce qui aura surtout manqué à Nicolas II, parmi ses précepteurs, c’est un bon professeur d’histoire. Il est fâcheux pour lui, sa dynastie et son Empire, qu’à aucun moment il ne se soit trouvé quelqu’un pour lui montrer l’exemple de ce que d’autres monarchies avaient fait pour retremper leur forces dans un grand courant national. Le passage de l’absolutisme au régime constitutionnel se trouvait étrangement facilité par la guerre. L’occasion s’offrait aux Romanof de prendre cet élixir de jeunesse qui avait si bien réussi à la maison de Savoie, grâce au Risorgimento, à la maison de Hohenzollern, grâce aux deux guerres de 1806 et de 1870. Victor-Emmanuel et Guillaume Ier, chacun à son heure, avaient renouvelé leurs traditions, rompu avec leurs conservateurs : Bismarck, dans ses Souvenirs, a fait la théorie de ce Bruch mit den Conservativen, de cette rupture avec les anciens partis, encombrans et compromettans, et qui entraînent a la ruine les gouvernemens qui ne savent pas se dégager à temps pour rallier des élémens nouveaux. Savoie et Hohenzollern s’étaient bien trouvés de la recette. C’est ainsi que les libéraux prussiens, si acharnés dans leur opposition jusqu’en 1870, avaient formé ensuite ce parti national-libéral, le