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Les portes s’ouvrirent et, Marko s’étant précipité dans le temple, elles se refermèrent sur lui.

Le roi Voukachine se précipita sur les portes, et de son poignard il frappa le bois, et du bois commença à couler le sang.

À cette vue, le Roi se repentit et prononça ces paroles :

— Malheur à moi, par le Dieu unique ! Voici que j’ai tué mon fils Marko.

Mais la voix retentit de nouveau, venant du sanctuaire :

— Écoute, roi Voukachine, ce n’est pas ton fils Marko que tu as percé, mais bien un Ange du Seigneur… Retiens ta malédiction… Je suis le gardien de Marko. Crains de tuer ta propre âme, en faisant saigner le cœur d’un Ange !

Mais le Roi était si violemment irrité contre Marko qu’il ne tint nul compte de cet avertissement et se mit à maudire son fils avec rage :

— Marko, mon fils, que Dieu t’extermine ! Puisses-tu n’avoir ni tombeau, ni postérité, et puisse la vie ne pas te quitter avant que tu aies servi le tsar des Turcs !

Le Roi le maudit, mais le Tsar enfant, aux joues roses, aux yeux rayonnans d’innocence et de joie, le bénit en élevant vers lui ses deux petites mains :

— Marko, mon parrain, Dieu t’assiste ! Que ton visage brille dans les conseils et que ton épée tranche dans les combats ! Qu’il ne se trouve pas un seul preux qui l’emporte sur toi, et que ton nom soit célébré en tous lieux, tant qu’il y aura un soleil et tant qu’il y aura une lune !

Et, ainsi que tous deux l’avaient dit, ainsi tout advint.

La jeunesse de Marko, qui forme le second chapitre de sa vie, regorge d’aventures et de combats. Mais deux épisodes saisissans la dominent : la rencontre avec son pobratime et l’apparition de la Vila. La première marqua l’apogée de son existence et s’y joua comme un rayon céleste ; la seconde se dressa devant lui comme le fantôme lumineux d’un passé lointain et d’un mystérieux avenir, mais laissa derrière elle l’ombre tragique de la mort.

Tout d’abord, Marko fut récompensé de la droiture et du courage dont il avait fait preuve pour l’élection du jeune Tsar. Il avait toujours déclaré ne pouvoir trouver un frère d’armes qui serait son égal, mais il le trouva malgré lui et comme par surprise. Les pesmés ne nous disent pas comment. Ce fut sans doute dans un combat contre les Turcs, où Marko sauva la vie d’André Miloch, plus jeune que lui et plus tendre, mais non