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GASTON DARBOUX.

très justement, en parlant de son collègue : « Il aimait l’autorité, non pour les vaines satisfactions d’amour-propre qu’elle donne quelquefois, mais pour l’action qu’elle lui permettait d’exercer dans les causes lui paraissant justes et dans les directions lui tenant à cœur. » Passionné quelquefois et désireux de faire prévaloir son opinion, Darboux n’hésitait pas à changer d’avis, quand on lui montrait une solution plus favorable aux grands intérêts dont l’Académie a la charge.

On relira toujours avec plaisir et profit les éloges historiques, très étudiés, qu’il prononçait dans les séances publiques. Avec quelle piété il a retracé la vie du maître vénéré qu’il avait beaucoup aimé et dont l’influence sur lui avait été si grande, Joseph Bertrand ! Avec quelle sûreté et quelle précision il a analysé l’œuvre d’Hermite et celle d’Henri Poincaré ! Il voulut un jour rendre hommage à une science d’origine essentiellement française, la géodésie, en parlant des travaux du général Perrier au nom duquel restera attachée la jonction géodésique de l’Espagne et de l’Algérie. Les succès récens de l’aviation lui suggérèrent, il y a quelques années, la pensée de lire une notice sur un précurseur génial, membre de l’ancienne Académie des Sciences, le général Meusnier, à qui l’on doit les règles de manœuvre encore suivies aujourd’hui et une découverte capitale qui est l’emploi du ballonnet à air.

Rompant avec les habitudes, il fit en 1911 l’éloge des donateurs de l’Académie, voulant acquitter une dette de reconnaissance envers des bienfaiteurs de la science ; à la fin de ce discours, il ne pouvait manquer de souhaiter que les donateurs de l’avenir voulussent bien employer leurs libéralités, non à fonder des prix, mais à provoquer et encourager des recherches.

Dans les milieux scientifiques étrangers, la réputation de Darboux était considérable, et la plupart des Académies l’avaient appelé dans leur sein. Sa parole était très écoutée dans les Congrès internationaux. Il avait pris une grande part à la fondation de l’Association internationale des Académies, dont les événemens actuels vont modifier sans doute le fonctionnement. L’histoire des sciences l’avait toujours vivement intéressé. Il a plusieurs fois, dans les réunions internationales, fait des lectures d’un caractère historique. Ainsi, à l’Exposition universelle de Saint-Louis en 1904, il traça une large esquisse des progrès de la géométrie au xixe siècle. Non moins remarquable