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GASTON DARBOUX.

tionnées, constituant une langue d’une admirable clarté, qui, suivant le mot de Fourier, n’a pas de signe pour exprimer les notions confuses. Le développement formel a joué à certains momens un rôle très important, et le langage analytique a été indispensable à la plus grande extension des principes. Le symbolisme soutient et porte l’esprit en avant, et les généralisations se font avec le moindre effort. On pourrait donner comme exemples la forme analytique du principe des déplacemens virtuels en mécanique, et les équations de Lagrange en dynamique analytique. Tout cela montre assez ce que signifie une phrase, souvent répétée, qu’il n’y a dans une formule que ce qu’on y a mis ; elle est vide de sens ou n’est qu’un pur truisme. Des résultats, identiques au fond, peuvent avoir des formes très diflerentes, et il arrive que la forme soit essentielle ; telle aussi l’énergie peut être constante en quantité, mais variable en qualité. Aux cas cités plus haut, on pourrait ajouter la mécanique céleste tout entière, où il n’y a rien de plus que la formule de la gravitation universelle et quelques constantes fournies par l’observation, mais où d’innombrables transformations de calcul nous font passer de ce point de départ à l’explication de presque toutes les particularités des mouvemens des astres.

On doit avouer d’autre part que, dans la complexité des formules, on ne démêle pas toujours des faits simples que mettent parfois en évidence des raisonnemens purement géométriques. Une méthode géométrique peut, chemin faisant, mieux explorer qu’une méthode analytique les alentours d’une question. On voyait mieux le pays quand on voyageait à pied ; il est vrai qu’on allait moins loin. Dans le même ordre d’idées, notons que, pour certaines applications, des raisonnemens géométriques donnent sans peine une première approximation, à laquelle conduirait moins facilement l’emploi de l’analyse.

La conclusion s’offre d’elle-même. On doit se garder de l’exclusivisme auquel se laissèrent entraîner des géomètres, illustres, comme Poncelet et Chasles. Avant eux, Monge, dans ses célèbres Applications de l’Analyse à la Géométrie, avait été plus éclectique. Aussi Darboux a-t-il écrit très justement dans une belle étude sur le développement des méthodes géométriques : « Monge, le rénovateur de la géométrie moderne, nous a montré dès le début, ses successeurs l’ont peut-èlre oublié, que