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quels moyens Dieu emploiera pour délivrer l’Empereur de sa captivité, mais je ne suis pas moins convaincu que cela ne peut pas tarder. J’attends tout de lui et ma confiance est pleine. » Au même, il écrit, le 27 février 1819 : « La petite caravane est partie de Rome au moment où nous-mêmes croyons qu’ils n’arriveront pas à Sainte-Hélène : parce qu’il y a quelqu’un qui nous assure que trois ou quatre jours avant le 19 janvier l’Empereur a reçu la permission de sortir de Sainte-Hélène et qu’en effet les Anglais le portent ailleurs. Que vous dirai-je ? Tout est miraculeux dans sa vie et je suis très porté à croire encore ce miracle. D’ailleurs son existence est un prodige et Dieu peut continuer à faire de lui ce qu’il lui plaît. » En juillet, la certitude du cardinal est entière. Madame, qui la partage, en fait part à sa fille Elisa. Fesch lui-même écrit à Las Cases (31 juillet) : « D’après toutes nos lettres, vous avez dû comprendre l’assurance que nous avons de la délivrance et des époques de la manifestation, quoique les gazettes et les Anglais veulent toujours insinuer qu’il est toujours à Sainte-Hélène, nous avons lieu de croire qu’il n’y est plus et, bien que nous ne sachions ni le lieu où il se trouve, ni le temps où il se rendra visible, nous avons des preuves suffisantes pour persister dans nos croyances et pour espérer même que, dans peu de temps, nous l’apprendrons d’une manière humainement certaine. Il n’y a pas de doute que le geôlier de Sainte-Hélène oblige le comte Bertrand à vous écrire comme si Napoléon était encore dans ses fers. »

Dès lors qu’ils récusent les lettres de Bertrand et de Montholon, que faudrait-il pour les faire revenir ? Une lettre de l’Empereur lui-même ? Mais l’Empereur n’écrit pas, parce qu’il ne se soumet point à remettre ses lettres ouvertes. Le témoignage d’un témoin oculaire ? Mais l’Empereur ne reçoit personne et Lowe ne laisse personne arriver jusqu’à lui. Assurément, cette contagion de délire mystique ayant pour conséquence la séquestration de Napoléon, son isolement du monde civilisé, la privation de soins intelligens et d’appui moral, constitue l’épisode le plus dramatique peut-être de l’histoire de la captivité, car l’Empereur ignore tout de ce qui se passe à deux mille lieues de la dans le cerveau de sa mère et de son oncle : il ne le saura jamais et il continuera à se demander pourquoi il est abandonné. » Il pensera, durant les vingt mois d’agonie qu’il va