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miséricorde et générosité. Nous pensons qu’il est juste et reconnaissant d’y répondre. Nous sommes certain d’entrer dans vos intentions en vous chargeant d’écrire de Notre part aux souverains alliés et notamment au Prince régent qui Nous a donné tant de témoignages d’estime. C’est votre cher et bon ami, et Nous entendons que vous lui demandiez d’adoucir les souffrances d’un pareil exil. Ce serait pour Notre cœur une joie sans pareille que d’avoir contribué à diminuer les tortures de Napoléon. Il ne peut plus être un danger pour quelqu’un ; Nous désirerions qu’il ne fût un remords pour personne. »

Ainsi a parlé le Chef de l’Eglise : la leçon qu’il a donnée ne devrait point être perdue pour ceux qui, par ignorance ou par ambition, ont méconnu « l’acte chrétiennement et héroïquement sauveur. » Pie VII ne se renferme point devant le captif de Sainte-Hélène dans une neutralité opportune. Il montre une fois de plus quels sentimens l’évêque d’Imola a voués au général Bonaparte. Durant les vingt années qui se sont écoulées depuis qu’il l’a logé dans son palais épiscopal (2 février 1797), les événemens les ont rapprochés, puis séparés violemment ; mais Pie VII a oublié le mal qui lui fut fait et ne se rappelle que le bien fait à l’Eglise. Il doit échouer ; Sainte-Hélène n’est point une prison : c’est un in pace. Entré vivant, Napoléon n’en doit point sortir, — même mort.

Rebuté par le Prince régent, Pie VII n’en est pas moins disposé à adoucir « les tortures » du restaurateur de l’Eglise et on n’implorera pas vainement son appui.

Au mois de mai 1818, le cardinal Fesch reçoit du grand maréchal Bertrand une lettre, écrite de Longwood le 22 mars, un mois après la mort du maître d’hôtel Cipriani. Cipriani, dit Bertrand, a été enterré dans le cimetière protestant. Les ministres protestans lui ont rendu les mêmes devoirs qu’ils eussent rendus à quelqu’un de leur culte. On a eu soin d’inscrire dans 16 registre mortuaire qu’il était catholique, mais, à Longwood, les morts se multiplient. En quelques semaines, un enfant d’une domestique de Montholon, une femme de chambre, Cipriani. « C’est l’effet, dit Bertrand, du climat malsain de ces pays où peu d’hommes vieillissent. Les maux de foie, la dysenterie et les inflammations du bas-ventre font beaucoup de victimes parmi les naturels, mais surtout parmi les Européens. Nous avons senti et nous sentons tous les jours le besoin d’un ministre