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inculte, mais subtil, astucieux, plein de ressources comme un montagnard corse, qui, en fournissant à lord Holland la matière d’un retentissant discours à la Chambre des Lords, éveilla l’intérêt et la pitié de ceux qui s’étaient dévoués à l’Empereur ou qui seulement l’admiraient.

Santini déroba ainsi à Las Cases l’honneur que celui-ci s’était promis en affrontant, par la violation volontaire du règlement, la déportation au Cap et le retour en Angleterre. Il avait projeté de se rendre en Europe l’ambassadeur de l’Empereur, d’apparaître comme son porte-parole et son confident intime. Seulement, parti le 25 novembre 1816 de Longwood, il n’arriva en Angleterre que le 15 novembre 1817 et en Allemagne que le 11 décembre. Il trouva presque fait le travail qu’il s’était proposé de diriger ; néanmoins il s’employa avec ardeur, durant quelques mois, à expédier à l’Empereur de l’argent et des livres et à créer une caisse de publicité. Tous ses efforts échouèrent par suite des confidences faites au gouverneur, puis aux ministres anglais, par quelqu’un qui, ayant quitté Sainte-Hélène le 13 février 1818, arriva à Londres le 8 mai.

Ces confidences, sur qui est motivé l’arrêt définitif rendu contre l’Empereur par les Souverains au congrès d’Aix-la-Chapelle, ont pour conséquence, le 15 mars 1818, le départ de Balcombe, le fournisseur de Longwood, dont les filles ont égayé le séjour aux Briars de leur jeunesse blonde et prime-sautière : et, quatre mois plus tard, l’enlèvement du docteur O’Meara. Enfin, un an après, au commencement de juillet 1819, part Mme de Montholon, précédant en Europe son mari qui ne cache à personne sa résolution de la rejoindre au plus tôt. Mme Bertrand se meurt d’ennui et de tristesse. Elle veut partir aussi. Elle ne s’habille plus. Elle se désole, elle est brouillée avec l’Empereur qui ne vient plus la voir ; elle boude son mari qui l’adore et qui, pressé entre son amour et son devoir, cherche à paraître impassible et n’est que silencieux.

Que va-t-il arriver ? Sans doute, Montholon et Bertrand ont promis à l’Empereur qu’ils patienteraient jusqu’à l’arrivée de leurs remplaçans, mais on n’a fait jusqu’ici en Europe aucune démarche pour en trouver et l’on a dû se remettre à Mme de Montholon du soin de chercher, d’accord avec la Famille, quelqu’un qui voulût se dévouer. La position de Mme de Montholon dans la société de Paris n’est point pour faciliter ses démarches près