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Chambre sur l’aviation. Ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de l’entendre, et qui se sont bornés à la lire à leur tour, ont le droit d’être surpris qu’elle ait pu non seulement faire un tel bruit, mais produire un tel effet. Faut-il en parler en toute franchise ? A l’examiner comme il convient, comme un texte d’histoire, elle était peut-être inutile, mais elle était inoffensive. M. le général Lyautey y exprimait sans la moindre violence ni volonté d’agression la crainte que de pareils débats, même en Comité secret, eussent leurs inconvéniens, leurs risques ou leurs périls. Mais les Assemblées sont, elles aussi, des champs de bataille aménagés, tendus de fils de fer barbelés, semés de mines et de fougasses. Il est facile, le sol étant toujours saturé de poudre, d’y provoquer une explosion. M. le général Lyautey, heureusement pour lui et pour nous, n’avait pratiqué jusqu’ici que d’autres champs d’activité, ou il a rendu au pays d’incomparables et d’inoubliables services. Accoutumé à d’autres besognes, à d’autres mœurs, et à d’autres méthodes, il s’est trompé sur le milieu. Il n’a pas été assez prévenu, en l’espèce, contre ce que Bentham appelait le « sophisme des fausses indignations. » Il est parti là-dessus, et c’est pitié. On ne peut que le déplorer, lorsqu’on songe qu’avec sa vue claire des choses, son sens de l’ordre, son don de commandement, son prestige, il avait déjà tant fait, il aurait fait bien plus encore. Le parlementarisme, qu’il n’a pas voulu attaquer, a cru, ou feint de croire nécessaire de se défendre; comme s’il ne comprenait pas qu’il n’a d’ennemi que lui-même, ses déformations, ses excès, ses abus. Mais le départ d’un des ministres ouvrait la brèche dans le ministère : peu à peu le Cabinet Briand, et M. Briand en personne, ont été portés à se retirer.

Au jour où il s’en va, il ne faudrait pas, en lui marchandant l’éloge, lui refuser la justice. Pendant quinze mois, qui pourraient compter triple, M. Aristide Briand, comme président du Conseil, a incarné, au dedans et au dehors, la France en guerre. Ses qualités, autant que ses défauts, ne lui eussent, en aucun cas, permis de n’avoir ni amis ni adversaires. Ce n’est pas une personnalité indifférente. Il n’en a pas paru depuis longtemps, dans le monde politique, de plus séduisante, de plus originale, et qui soit pour le psychologue plus intéressante à regarder vivre. Rien ne manque à M. Briand de ce qui ne s’acquiert pas ; et tout ce qui lui manque, il lui aurait été aisé de l’acquérir. Il a reçu en abondance les dons naturels les plus riches. Nul ne pense à lui contester ni l’éloquence, ni le sens tactile des assemblées, ni l’adresse à les manier, ni la lucidité ou la plasticité de