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propices, la marche contre Petrograd, où l’on décrocherait la paix. Ou bien, autre hypothèse qui n’a rien non plus de déraisonnable, se servir de tout ou partie de ces quinze à vingt divisions rendues disponibles pour encadrer, pour épauler la nouvelle offensive autrichienne prête à se déclencher du Trentin, sous la conduite du maréchal Conrad de Hœtzendorff. Ou bien, enfin, s’en faire comme un bélier, pour venir brusquement battre en un point choisi le front anglais ou le front français ; avec l’obstination têtue, la puissance de répétition allemande, se détourner et s’éloigner de Paris, pour se retourner et essayer de se rapprocher de Calais et de Dunkerque. Nous ne savons pas, et, puisqu’on nous dit que seul Hindenburg sait, veut et fait, nous verrons. Mais il y a cependant des choses que nous savons, ou n’ignorons pas tout à fait. Nous savons ce qu’il y a de troupes allemandes en Belgique, soit sur l’Yser, soit à l’intérieur, soit à la frontière hollandaise. Fort habilement, le grand état-major impérial s’est ingénié à allumer notre curiosité par de demi-descriptions de la « nouvelle ligne de Hindenburg » où l’on mettait tout juste assez de lumière pour nous piquer à percer l’ombre. Tant qu’elle était enveloppée, c’était un mystère, une énigme, et lorsqu’elle se découvrirait, ce serait une révélation, ce serait plus, ce serait une révolution dans l’art de la guerre. Articles, chroniques, radiotélégrammes la célébraient, en langage sibyllin, dans l’Empire et chez les neutres; mais, tout en nous en menaçant, on nous interdisait de la connaître. Eh bien! que le grand état-major soit satisfait; nous ne la connaissons pas plus qu’on ne connaît un paysage dont on a la photographie sur sa table. Et si, par hasard, il n’y avait point de « nouvelle ligne Hindenburg,  » mais plutôt de nouvelles « positions » préparées pour une bataille, si réellement il s’agissait de revenir à la guerre de mouvement, si l’on avait médité de nous reprendre une seconde fois au piège de Charleroi, ou de nous tendre un traquenard analogue, on aurait tout de même quelque peine à nous y faire tomber. Après quoi, que toute l’armée allemande, avec la grâce qui la caractérise, et au pas de parade en arrière, exécute un repli élastique, nous n’y voyons pour nous qu’un avantage, et nous le marquons aujourd’hui, sans nous endormir, mais sans nous effrayer de demain.

Ce repli élastique a déjà ramené l’abominable invasion de la ligne Arras-Bapaume Péronne-Noyon, sur la ligne Lille-Douai-Cambrai-Saint-Quentin ; dans quelques heures peut-être, il l’aura rejetée beaucoup plus à l’Est, car les gazettes d’outre-Rhin nous avertissent, et