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APOLOGIE POUR LES PARISIENS

La guerre moderne, à la différence des anciennes où les seuls combattans étaient tenus d’avoir du courage, met en œuvre toutes les forces morales d’un pays et leur assigne une valeur militaire. Le risque est plus grave, tous y participent, la force offensive des armées repose sur la discipline nationale et la résolution populaire.

Cette caractéristique n’avait point échappé aux Allemands, et comme on les vit toujours et à tout propos se livrer à des calculs minutieux et innombrables, il entra dans leurs conceptions, en 1914 aussi bien qu’en 1870, de provoquer méthodiquement chez l’adversaire le désordre moral. Porter d’abord la menace sur la capitale, jeter en toute hâte sur les chemins de l’Ile-de-France des torrens d’hommes formidablement armés, massacrer les habitans, allumer des incendies et se présenter devant Paris dans le moment que les Parisiens sont encore sous le coup de la surprise, c’est répandre dans la ville, une épouvante qui ne manquera pas de provoquer des convulsions politiques.

L’enjeu est d’importance, la proie est facile : Paris n’est-il pas le lieu de toutes les frivolités ?

Le grand état-major allemand, guindé dans ses doctrines, suppute avec une supériorité méprisante les émeutes que vont faire naître, au milieu d’une population de deux millions et demi d’Athéniens, dont la légèreté d’esprit est connue de tout l’univers, les aéronefs, les obus et les mauvaises nouvelles.

La plupart des étrangers nous connaissent fort mal et