Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/544

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il était passé maître, mais dont il avait soin de ne pas abuser.

Sa collaboration au Journal des Débats fut spécialement fréquente en 1872, et y devint presque quotidienne, quand les graves questions de l’impôt sur les matières premières, des drawbacks, de l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières, des emprunts, des traités de commerce, de la marine marchande, de l’équilibre du budget, de l’impôt sur le chiffre d’affaires, etc., figurèrent à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Plus tard, après que l’Économiste français eut été fondé, ses articles s’espacèrent.


Jusqu’ici, Paul Leroy-Beaulieu n’a fait qu’écrire, soit des mémoires académiques, soit des livres, soit des articles de revues et de journaux. En entrant à l’Ecole des sciences politiques, il va professer et pratiquer l’art de la parole. Nous avons dit plus haut qu’un penseur solitaire, fondateur de l’École, l’y avait entraîné. Emile Boutmy fut, sans doute, un penseur solitaire tant qu’il s’agit d’élaborer ses projets, mais dès qu’il fallut les réaliser, il devint aussitôt un alerte visiteur, n’hésitant pas à frapper aux portes des plus illustres intellectuels, et les conquérant par son langage simple et persuasif. Taine, Guizot, Laboulaye et de généreux financiers coopérèrent ainsi, dès la première heure, à son œuvre. Emile Levasseur cependant, un de ses fidèles, lui répétait : « Mais vous n’avez encore ni professeurs, ni argent, ni élèves, comment voulez-vous fonder une école ? » Boutmy chercha d’abord de l’argent et surtout des professeurs, bien sûr que les élèves accourraient, quand l’enseignement fonctionnerait bien. Pour professeurs, il s’attacha à recruter des jeunes, des novices, des débutans, et courageusement, témérairement même, l’école s’ouvrit en janvier 1872. Albert Sorel, attaché aux Affaires étrangères, âgé de vingt-sept ans, fit la première leçon. La seconde leçon, sur la science financière, dans la même semaine de janvier 1872, échut à Paul Leroy-Beaulieu, jeune homme, était-il dit, déjà connu par ses succès académiques et par son active collaboration au Journal des Débats. Puis vint, pour le cours d’histoire législative, un jeune aussi et un débutant d’avenir, assurait-on, M. Alexandre Ribot. Boutmy savait-il au juste, alors, à quel point il avait la main heureuse ?

J’assistai à ce premier cours de Paul Leroy-Beaulieu, qui