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ses lèvres ces mots décisifs : « Et Gallipoli !… » Ce qui rappelle un peu le célèbre argument : « Et la Saint-Barthélémy ! » que l’on retrouve dans toutes les discussions politico-religieuses de nos Chambres d’autrefois.

Le malheur pour toutes ces raisons, dont sourient certainement les ombres des Nelson, des Suffren, des Ferragut, des Porter et des Courbet, c’est qu’elles se tiennent obstinément dans le domaine des principes généraux et de l’abstraction, exactement, d’ailleurs, comme celles que l’on oppose aux opérations de débarquement.

La question n’est point du tout s’il est possible à une flotte d’attaquer un littoral défendu à la moderne. On peut discuter des mois et des années sur ce thème d’Ecole.

Il s’agit de savoir si, dans telles circonstances politiques et militaires bien déterminées, qui font sentir la nécessité d’une prompte et énergique offensive maritime, il est possible aux premières marines du monde[1], disposant de ressources considérables et capables de créer rapidement les engins quelles jugeraient indispensables au succès de leur ultime effort, d’entreprendre méthodiquement des opérations côtières ayant pour objet, soit de fermer successivement les ports de tel littoral parfaitement connu, ayant telles ou telles propriétés défensives, soit de réduire tel ou tel îlot fortifié, soit de faire pénétrer dans certain estuaire d’un accès facile des élémens appropriés à l’occlusion d’un canal maritime, soit même de faire entrer de vive force dans cet estuaire certains bâtimens de surface d’un type spécial, en vue de protéger une descente éventuelle.

Il s’agit, en d’autres termes et de plus simples, de substituer à des discussions toujours stériles, par le fait même du caractère trop général de leurs bases, l’étude attentive, étrangère à tout parti pris de doctrine comme à toutes considérations autres que l’intérêt militaire bien reconnu, d’opérations bien définies, visant des points déterminés de la côte ennemie.

Mes lecteurs voudront bien remarquer en quelle situation désavantageuse je suis placé vis-à-vis de mes adversaires. Alors que ceux-ci, justement parce qu’ils se tiennent dans le vague

  1. Je rappelle que la marine française pourrait, bien qu’employée en majeure partie dans la Méditerranée, aider la marine anglaise dans le Nord ; que d’ailleurs la marine japonaise est sans doute prête à donner tout le concours qu’on lui demanderait. Je ne parle pas encore de la marine américaine.