Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forme de fret, des sommes considérables à l’armement étranger. Durant les hostilités, par suite de l’élévation du taux des frets et des réquisitions de l’Etat, cette subvention déguisée a atteint des proportions qui ont fâcheusement influé sur le cours du change. Un auteur[1] a calculé que la France avait payé aux nations alliées ou neutres une rançon de 160 millions par mois. « Nos importations étant, en effet, de trois millions de tonnes, à raison de 60 francs de fret moyen, c’est donc 200 millions de fret par mois en chiffres ronds que nous payons. Sur cet ensemble, le pavillon étranger figure pour 74 pour 100. » Je me contente d’enregistrer ces chiffres, bien qu’ils me paraissent aujourd’hui un peu faibles, pour mieux faire ressortir l’urgence des remèdes à apporter à un état de choses si préjudiciable à nos intérêts généraux.

Dans la plupart des pays étrangers, des préparatifs sont faits en vue de l’après-guerre. Partout, le mouvement de l’opinion publique, les projets élaborés et les mesures prises par les gouvernemens tendent à favoriser le développement de la marine marchande. Voyons donc ce que les autres ont fait dans ce domaine. Nous parlerons d’abord de nos ennemis, ensuite des neutres, puis de nos alliés, et nous comparerons leurs divers efforts à ceux qui ont été accomplis par la France.


EN ALLEMAGNE

Depuis la déclaration de guerre, le trafic maritime allemand a été complètement arrêté par les croisières franco-britanniques, sauf en Baltique où les fournitures de charbon à la Scandinavie ont permis aux armateurs d’outre-Rhin de réaliser des bénéfices appréciables. Nos ennemis ne se sont malheureusement pas laissé endormir par cette léthargie de leur marine marchande et ils l’ont, au contraire, mise à profit pour préparer leur expansion économique future.

Un correspondant danois du Berlingske Tidende exprimait en ces termes son étonnement lors d’une visite qu’il fit à Hambourg, dans le courant de juin 1916, au directeur de la Hamburg Amerika Linie : Herr Ballin. « Je pensais, dit-il, le trouver à son appartement privé où ses loisirs involontaires lui

  1. Revue des Deux Mondes du 15 mai 1916 : La Crise des transports.