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de notre argumentation, de faire, au cours de cette étude, un abus de chiffres et de tonneaux. — Le tonnage brut de l’Angleterre, qui était de 21 500 000 tonneaux pour 14 395 navires avant la guerre, est tombé au 25 août 1916 à 19 935 799 tonneaux pour 13 456 navires, y compris ceux, construits ou saisis, incorporés dans la flotte de la Grande-Bretagne. La France, qui possédait 2 192 navires pour un tonnage brut de 2 498 000 tonneaux, avait perdu à la fin de 1916, par destruction ou saisie, près de 400 000 tonneaux de jauge.

Nos ennemis ont encore plus souffert de la guerre, surtout du fait de la saisie, puisque l’ensemble de leur tonnage, qui était de 7 040 000 tonneaux en 1914, n’est plus que de 4 798 572 tonneaux en août 1916. On peut apprécier que, dans l’ensemble du tonnage allié ou neutre, le total des destructions effectives entraînées du fait de la guerre se monte, au 1er janvier 1917, à 3 125 000 tonneaux, et le pourcentage de ces destructions ne fait malheureusement que croître à mesure que s’accentue le blocus sous-marin allemand.

Au moment même où leur utilisation serait la plus désirée, la guerre aura donc pratiqué des coupes sombres dans la forêt des mâts et des cheminées qui jalonnent les mers. Aussi, combien imprévoyante serait la nation qui n’aurait pas fait tous ses efforts pour reconstituer sa flotte, éprouvée par la rafale guerrière ! Tout le problème de l’après-guerre consiste à préparer une flotte au moins équivalente à celle qui aura été détruite, et à répondre par une mise en chantier à toute annonce de bâtiment coulé.

En ce qui concerne la France, cette nécessité apparaît comme d’autant plus évidente que sa situation maritime était, avant le 2 août 1914, loin de répondre aux exigences du pays.

Nous venons de voir, en effet, que le montant du tonnage français, par rapport à l’ensemble du shipping mondial, était dans le rapport de 2,5 environ à 48, c’est-à-dire qu’il représentait 5,20 pour 100 du tonnage total. Or, notre pays, à cheval sur deux mers, possédant de vastes et lointaines colonies, et appelé à recevoir de l’extérieur une grande quantité de matières premières, lourdes et encombrantes, nécessaires à son industrie, réclame un trafic maritime que notre flotte est impuissante à absorber.

De ce fait, nous nous trouvions payer avant la guerre, sous