Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

122 mètres d’altitude. Et puis, de fil en aiguille, au bout de dix autres versions, l’état-major impérial a fini par invoquer son génie, les feintes dont Use couvre quand il va être le plus malin. Attendons l’illumination. Pour nous, notre incertitude est venue de ce que nous avons cherché le motif auquel ont obéi les Allemands en eux plutôt qu’en nous, de leur côté plutôt que du nôtre, et de ce que nous n’avons pas immédiatement rattaché le fait à ses causes. Une des causes, c’est tout bonnement la supériorité prise, peu à peu, dans ce secteur, par l’armée anglaise, notamment par l’artillerie anglaise; c’est un « marmitage » de six mois, qui a retourné le sol, nivelé les remblais, pulvérisé les abris; si bien qu’au bout du compte, les Allemands sont partis pour la raison qui forcera toujours tout le monde à partir, parce qu’ils n’ont pas pu rester. Et le fait, c’est qu’ils sont partis; c’est qu’ils ont reculé, — même s’ils persistent à soutenir qu’ils n’ont fait que manœuvrer en arrière, — de trois à cinq kilomètres en profondeur sur un front de plus de vingt kilomètres; c’est que le nombre des villages français libérés dans cette région a été par ce fléchissement, porté à plus de soixante; c’est encore que, depuis la bataille de la Marne, on n’avait plus jamais ou presque jamais atteint d’un coup un pareil résultat. Le reste ne peut être qu’hypothèses, et il y en a une qu’il ne nous déplairait pas de retenir. Ce serait que, dans la mesure où les Allemands sont demeurés maîtres de leur repli, ils aient voulu éprouver, par une expérience qui pourrait être répétée plus en grand, le moral de leur nation, pour le jour où ils seraient contraints, en restreignant le territoire occupé, de resserrer la « carte de guerre. » Mais ne forçons pas le fait, qui, tel qu’il est, nous suffit provisoirement, et qui n’a peut-être pas achevé de développer ses conséquences.

Les autres fronts sont calmes ou assez calmes, mais dans une atmosphère toujours et de plus en plus lourde. Partout se multiplient les signes de l’action qui se rapproche, sauf sur le front roumain et le front macédonien en sommeil, à cause, sans doute, de l’état du terrain, ou parce que la tempête prend décidément une autre direction. Sur le front occidental, ou, plus exactement, sur la partie de ce front tenue par l’armée française, on en est quotidiennement aux reconnaissances, aux engagemens de patrouilles, aux coups de main, aux premiers accrochages de la bataille. Nous enlevons un jour, on nous enlève le lendemain, et le surlendemain nous reprenons quelque élément de position avancée, d’où nous ramenons des prisonniers. Il en est ainsi entre l’Oise et l’Aisne, en Champagne, au Nord de Verdun,