Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assisté à notre entretien, et dont le mari est mort de la gangrène dans une prison d’Allemagne :

— Voilà, ajoute-t-il, celle qui, pendant ma captivité, a remplacé la mère que j’ai perdue. Pendant des mois, comme vos marraines de France, elle m’a écrit, sans me connaître, et m’a fait parvenir ces petits paquets qui sont d’un si grand secours matériel et moral aux prisonniers. Je lui dois en partie de n’avoir jamais désespéré de l’avenir.

— Et moi, remarque l’épouse en deuil, je dois à cet enfant, qui m’est aujourd’hui cher comme un fils, de n’avoir pas succombé sous le poids de la douleur.

Puissance éternellement vraie de la charité et de l’amour !


L’HOMME PROPOSE…

« Peut-être, me dit quelqu’un, serait-il intéressant pour vous de compléter votre enquête en Crimée par une visite au Sanatorium impérial de Koutchouk-Lambatt, uniquement occupé par des soldats. C’est un peu loin, mais avec un bon auto… »

Pourquoi pas ? Et je décide de m’y rendre le surlendemain. Mais l’homme propose et Dieu dispose. Le soir même de ma visite à M. Henry Sienkiewicz, je tombais malade. Sa Majesté, avertie, a fait télégraphier pour que je reçoive ici tous les soins que mon état exigera. Les Sœurs ont transporté dans ma chambre leur état-major général… Convalescence, rechute et encore convalescence. Juillet et une partie d’août se sont écoulés en ces peu agréables alternances.) Sœur Emilianova et Sœur Onkoyeva ont regagné leurs hôpitaux ; d’autres sont venues qui ont pris auprès de moi leur rôle d’assistance fraternelle… Et voici que j’ai une rivale dans les attentions de mes gardes-malades : une sœur de charité russe, très souffrante des suites d’une grave maladie contractée sur le front. Je l’ai vue arriver en voiture, son jeune visage pâle et rond strictement enserré dans la kassincka blanche, une médaille de Saint-Georges sur la poitrine. Elle a un joli nom : Nadiejda-Ivanovna. et Nadiejda, en russe, veut dire : Espérance. Nous nous visitons parfois, de chambre à chambre, et les Sœurs partagent entre nous leurs assiduités.

Août s’achève. En France, où nous devançons de treize jours le calendrier russe, c’est déjà septembre, le mois des