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Au long des allées fleuries, la jeune fille m’a conté son odyssée guerrière. Fille et nièce de Cosaques, bercée au bruit des chansons qui exaltent la bravoure, Micha vit, en ce terrible été de 1914, l’armée des Cosaques bondir en selle à l’appel du Tsar. Ses vingt ans frémissaient d’impatience. Elle voulut partir. On l’en empêcha. Qui dira quelles ardeurs, quelles révoltes aussi, battent sous la blouse légère des filles du steppe ? Deux fois Micha se sauva ; deux fois elle fut reprise et ramenée, Une troisième tentative eut plus de succès.

— Enfin, j’étais libre ! J’avais un cheval, une pique… À Moscou, j’achetai des habits de soldat et je partis pour Souvalki (front du Nord). Près de la ville, je rencontrai un régiment de Cosaques. Je leur racontai que j’étais un jeune volontaire qui avait perdu son régiment. Ils consentirent à me prendre. Peu à peu, ils s’attachèrent à moi, et je devins l’enfant gâté de la sotnia (escadron de cent Cosaques).

Comme dans les romans, où le hasard crée de si étonnantes rencontres, la jeune Cosaque avait dans ce régiment un oncle qui faisait partie d’une autre sotnia. Il apprit la présence, dans le voisinage, d’un jeune engagé volontaire qui portait le même nom que lui. Il eut la curiosité de le voir et tomba, un beau matin, au milieu du camp. Qu’on juge de sa stupéfaction en reconnaissant la fille de son frère !… Mais le moyen d’être sévère ? Il emmena sa nièce et la prit sous sa protection. Quinze jours plus tard, il tombait sous les balles allemandes. La jeune fille se retrouva seule au milieu de ses compagnons d’armes…

Rude est la vie du Cosaque. À toute heure : alerte ! et toujours à cheval. Les opérations les plus périlleuses sont confiées à ces étonnans cavaliers : reconnaissances, poursuites, pénétration à l’arrière des lignes ennemies… Pas de ravitaillement régulier possible avec des troupes dont la mobilité fait toute la force. La jeune fille, d’apparence pourtant délicate, sut s’adapter à tout. On n’a pas pour rien chevauché à cru dans le steppe et sucé le lait des cavales. Blessée à la tête, puis deux fois à la poitrine, près de Varsovie, soignée dans un hôpital de cette ville, après chaque convalescence, la jeune Cosaque retourna sur le front. Son cheval fut tué sous elle au cours d’un combat.

Restée intrépide, elle entra dans une compagnie d’éclaireurs. Au cours d’une reconnaissance, son détachement fut survolé