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d’arrêter l’avance de plusieurs divisions bavaroises. Une chaude affaire, dans la journée du 24, avait cruellement éprouvé le 75e régiment d’infanterie au col de Hanzs et à Bourg-Bruche. Les coloniaux du 6e régiment avaient perdu leur chef, le colonel Cortial[1]. Les artilleurs des 53e et 54e régimens, les fantassins du 140e et du 52e luttaient avec acharnement dans les forêts de hêtres qui avoisinent Saint-Benoît, sur la route qui va de Rambervillers à Raon-l’Etape, aux environs de Saint-Michel-sur-Meurthe, dans les bois de Senones et de Moyenmoutier. Les batteries alpines du 2e régiment de montagne prenaient position entre Meurthe et Mortagne, sur les coteaux de la Bourgonce, au-dessus de la combe de Nompatelize, non loin de la Salle, où le 7e bataillon de chasseurs se dévoua pour tenir tête à des forces qui semblaient, hélas ! incalculables et insurmontables. Après avoir tenté une contre-offensive sur la ligne de la Meurthe, l’aile gauche de l’armée Dubail, cédant à une pression énorme, avait dû se replier entre Meurthe et Mortagne. Telle était, à peu près, la situation militaire dans la région vosgienne, lorsque les chasseurs alpins du 51e bataillon, sous les ordres du commandant Dechamps, reçurent les premiers obus des batteries lourdes établies par les Allemands sur la butte de Beulay, près de Provenchères.

À ce moment, un commandant du 54e régiment d’artillerie, qui avait logé au presbytère de Saint-Jean-d’Ormont, et qui faisait conduire ses pièces sur les hauteurs des Baids de Bobache, col ouvert entre l’Ormont et la Bure, sur la route de Saint-Dié ’au Ban-de-Sapt, disait à M. l’abbé Gérard, desservant de la paroisse :

— Vous allez être témoin de grands événemens, mais courage[2] !

Quel courage ne fallut-il pas aux braves du 51e bataillon, qui étaient arrivés la veille en gare de Saint-Dié, et qui recevaient ainsi le baptême du feu ! Contre le bombardement dirigé de la butte de Beulay par les artilleurs ennemis, ce bataillon n’était soutenu que par quatre pièces de 65… L’explosion des bombes emplissait d’un fracas épouvantable et d’un horrible éclatement de fer et de fonte un ravin qui est proche des bois

  1. Ce vaillant officier, tué le 20 août 1914, était le beau-frère du capitaine Jean Pravaz, mort lui aussi au champ d’honneur.
  2. Lettre de M. l’abbé Gérard à M. Louis Colin.