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C’était leur idée fixe. Ils voulaient célébrer en France le Sedantag, anniversaire d’une journée mémorable. Mais ils avaient compté sans les chasseurs alpins. Au défilé de Gélucourt, deux bataillons de ces troupes d’élite, le 23e et le 27e, se sont sacrifiés pour assurer la retraite de la 29e division.

Toutefois, dans la journée du 20 août 1914, la situation semblait si menaçante, qu’on pouvait craindre que la poussée de l’ennemi, se prolongeant en même temps par Wissembach et par Provenchères, par les vallées de la Fave et de la Blape, ne débordât sur Fraize, Plainfaing, parvenant ainsi à envahir toute la vallée de la Haute-Meurthe, et fermant toute issue à nos troupes engagées dans les Vosges. Notre 334e régiment d’infanterie avait quitté Saales précipitamment, le 20 août, à huit heures du matin, pour renforcer, au nord de Sainte-Croix-aux-Mines, le 229e, qui se trouvait aux prises avec des forces supérieures. Ce jour-là, le commandant d’un groupe d’artillerie, posté provisoirement au col du Bonhomme, disait à ses officiers :

— Je crains que nous ne soyons embouteillés[1] !

Déjà l’on voyait luire aux alentours des routes de dégagement, entre le col et le « haut » du Bonhomme, les baïonnettes dentelées des patrouilles bavaroises. Les chemins restés libres semblaient impraticables. On redoutait une attaque allemande par la chaume de Rossberg, ouvrant le chemin de la Croix-aux-Mines et du col des Journaux[2]. Le canon tonnait furieusement vers Sainte-Marie. C’étaient des coups incessans, précipités, sourds. En prêtant l’oreille à ces salves sinistres, les artilleurs du col du Bonhomme disaient :

— C’est la poursuite.

Poursuite implacable, en effet, et qui eût marqué d’un désastre la journée du 20 août 1914, si l’héroïsme patient et tenace des chasseurs alpins n’eût opposé, à la ruée d’un ennemi qui se croyait victorieux, un obstacle infranchissable.

C’est précisément dans cette journée du 20 août, que la

  1. Impressions de guerre, extraits d’un carnet de route, par le docteur P.-J. M.
  2. Cette attaque, déclenchée avec des forces énormes, fut enrayée par les alpins du 13e et du 22e bataillon. Le commandant Verlet-Hanus (du 13e) et le commandant de Parisot de la Boisse (du 22e) furent tués dans ces rencontres, à la tête de leurs chasseurs, l’un le 27 août, l’autre, le 3 septembre.