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chambre obscure et solitaire de la via del Tiratoio. Catherine était seule dans la maison ; tous les autres membres de la famille s’amusaient au dehors, et peut-être, dans la solitude, la jeune fille a-t-elle éprouvé ce que des chrétiens « moins affermis » connaissent si bien : le sentiment soudain que le monde de la foi se décolore et pâlit ainsi que la flamme des cierges à la lumière du soleil, s’évanouit et devient irréel et absurde en face de l’évidence des puissantes et chaudes réalités de la vie. « Qu’il me baise du baiser de sa bouche ! » Oui, mais là dans la rue, à vingt pas d’ici, au milieu du tourbillon du carnaval, il y a quelqu’un qui, sans plus de façons, te prendrait par la taille pour te faire danser toute la nuit, qui l’offrirait du vin doux d’Orvieto ou de l’Asti mousseux, et qui t’embrasserait volontiers autant que cela te ferait plaisir ; puis, l’aube venue, tu prendrais congé de lui les yeux humides, et, passant les bras autour de son cou, tu lui donnerais un dernier baiser en guise de remerciement et d’adieu et tu ne le reverrais jamais…

Peut-être cette image se présenta-t-elle à l’imagination de Catherine, comme un dernier appel de la vie mondaine ? Nous l’ignorons. « Mais le Seigneur, dit Caffarini, avait décidé de se servir de Catherine comme d’un instrument pour le salut de beaucoup d’âmes égarées. » Il fallait par conséquent qu’elle fût inébranlablement affermie dans la foi, comme la maison sur le roc, et c’est pourquoi, en ce jour de carnaval, Catherine ne cessait d’implorer : « Seigneur, accorde-moi la plénitude de la Foi. »

Catherine priait, et sa prière fut exaucée.

« Puisque, par amour pour moi, tu as renoncé à tous les plaisirs du monde et ne veux te réjouir qu’en moi seul, lui dit le Seigneur, j’ai résolu de t’épouser dans la foi et de célébrer solennellement mes noces avec toi… »

Cependant, il était accompagné de sa sainte Mère, de saint Jean l’Evangéliste, de saint Paul et du prophète David, et Marie plaça la main de la jeune fille dans celle de son fils, tandis que David jouait de la harpe. Jésus tendit alors un anneau d’or qu’il passa au doigt de son Epouse : « Moi ton créateur et ton Sauveur, dit-il, je t’épouse aujourd’hui et te fais don d’une foi qui ne fléchira jamais et sera préservée de toute atteinte jusqu’au jour où nos noces seront célébrées dans le ciel. Ne crains rien, étant revêtue de l’armure de la foi, tu triompheras