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du froment à 6 dollars l’hectolitre ne s’était pas vu depuis la guerre de Sécession en 1864.

Les pays neutres, que les belligérans fournissaient naguère, s’adressent aux Etats-Unis pour obtenir les produits que ni l’Angleterre, ni la France, ni l’Allemagne, bien en peine de suffire à leurs propres besoins, ne sauraient exporter ni établir. C’est pourquoi la cherté ne paralyse pas la vente. De ce Pactole dont nous faisons les frais, les citoyens américains, ceux du moins qui n’en sont pas les bénéficiaires directs, se plaignent en qualité de consommateurs, obligés de surpayer toutes choses.

Mais ils ne nous paraissent pas très à plaindre ; le peuple voit ses salaires singulièrement haussés et, pour la classe bourgeoise, les prix élevés n’entravent pas le développement du luxe. Bien que l’opinion ait violemment proteste contre l’ « exagération » des cours de l’essence, montée de 20 à 30 centimes le litre, le nombre des automobiles en service aux Etats-Unis est passé, depuis le 1er janvier 1916, de 2 225 000 à trois millions cinq cent mille pour une population de 100 millions d’habitans. A elle seule, la ville de New-York en compte 100 000, c’est-à-dire 50 pour 100 de plus que toute la France en 1913, où l’effectif était de 66 000 autos. Un sixième seulement des autos enregistrés aux Etats-Unis fait un service commercial ; les cinq autres sixièmes sont des véhicules de famille et d’agrément, — family and pleasure cars.

L’année dernière encore, le réseau téléphonique du Nouveau-Monde s’est étendu et allongé : on y cause maintenant à 4 800 kilomètres de distance, — entre New-York et San Francisco, — au tarif de 100 francs les trois minutes. Depuis que le blé vaut 30 francs l’hectolitre au port d’embarquement, l’ouvrier paie son petit pain un sou de plus ; mais l’exportation fait encaisser des milliards aux fermiers de l’Ouest.

Pour la viande, si nous parcourons les rapports de deux grandes usines de Chicago, — Swift et Armour, — qui ensemble ont fait l’an dernier 5 milliards 700 millions de francs d’affaires, nous constatons qu’elles ont vendu le quintal de bœuf dans les principales villes 5 pour 100 moins cher que l’année précédente, tout en payant un peu plus le bétail sur pied, — 80 francs les 100 kilos. — Leur bénéfice de 150 millions de francs est venu tout entier de la hausse des cuirs, engrais, savons et autres sous-produits. Or, ces sous-produits sont exportes beau