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visiter derrière lui ni ce Tortose, château du Temple qui émerveilla Joinville, ni ce Chastel-Blanc des contreforts des monts Ansariés, ni ce château Pellerin, dressé entre Césarée et Caïfa contre un ennemi qui se serait rendu maître de la Galilée, ni Giblet, ni Saone où vécurent, deux siècles, deux familles franques célèbres dans les fastes de l’Orient latin, ni Blanche-Garde dominant, entre Jérusalem et Ascalon, la frontière d’Egypte, ni Beaufort accroché à l’une des premières croupes du Liban, ni ce Toron dont M. Schlumberger a retrouvé l’effigie gravée sur une médaille et qu’avait élevé Hugues de Saint-Omer, prince de Tabarie, ni ce Monfort, forteresse des Teutoniques qui semble un burg transporté des rives du Rhin en pleine Galilée, ni le château maritime de Sagette, bâti avec les pierres de l’antique Sidon, ni Maraclée, surgi dans un îlot méditerranéen, ni ces vingt châteaux des villes, ni ces formidables forteresses du Désert, Pierre du Désert, Montréal, ce célèbre Krak des Chevaliers où, dit Rey, « à peine quelques créneaux manquent au couronnement des murailles, » témoin hautain de l’épopée franque en pleine terre des Moabites.

A en lire la description, on voit que trois types d’architecture militaire nous sont par eux fournis. Les chevaliers de Saint-Jean restèrent les plus fidèles au style de France : remplissant de leur masse un plateau, leurs châteaux semblent des Coucy d’Orient, — sauf qu’aux architectes byzantins ils ont emprunté la double enceinte, qui, de Syrie, passera en Gaule. Les Templiers, plus orientalisés, se sont, plus que leurs frères de l’Hôpital, inspirés des forteresses musulmanes, encore qu’ils aient élevé plus haut leurs murs, creusé plus profondément leurs fossés afin de mieux délier l’escalade comme la mine, muni de herses à l’occidentale l’entrée de l’enceinte et marqué de la croix des constructions en partie sarrasines. Les seigneurs féodaux enfin ont emprunté aux deux écoles : le fond est franc, mais certains détails sont d’Orient.

Mais ce qui apparaît, c’est que ces demeures à l’extérieur guerrier, cernées de fossés, munies de doubles enceintes, flanquées de tours, dominées par le haut donjon carré, offraient un intérieur plus aimable. Là l’influence de l’Orient se révélait par des ornemens que les châteaux de France contemporains n’ont jamais présentés. Un visiteur du XIIIe siècle a vu l’intérieur du château de Beyrouth ou Baruth ; il décrit la salle