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Jésus et Magdeleine la suivirent et restèrent encore quelque temps chez elle. Tous trois s’étant assis sur le banc causèrent ensemble comme de bons amis : Jésus à droite, Magdeleine à gauche et l’hôtesse au milieu entre ses deux visiteurs.

Un autre soir, tandis qu’elle priait, Catherine eut le sentiment que Jésus, accompagné de saint Dominique, était à ses côtés, et elle en ressentit une telle joie qu’elle se mit à chanter tout haut. Les deux hôtes célestes se joignirent à elle et tous trois chantèrent de concert comme chantent les élus devant le trône de Dieu. Puis la vision s’évanouit et Catherine se retrouva seule, le cœur prêt à se rompre d’ardentes aspirations vers la patrie céleste peuplée de millions d’anges.

Depuis lors, Catherine se tenait souvent au guet près de la petite fenêtre de sa cellule ou bien se rendait dans le jardin par les soirées étoilées de l’hiver, et quand elle sondait ainsi les profondeurs de l’espace, il lui semblait percevoir au loin, tout à fait au loin, le chant des phalanges célestes et il lui devenait affreusement dur de se sentir environnée des ombres de la terre.

A la fin de ces trois années, une ère nouvelle commença pour Catherine, un monde nouveau s’ouvrit devant elle : elle apprit à lire et à écrire. Depuis longtemps déjà, elle désirait acquérir cette double science généralement peu répandue à cette époque, car elle voyait sans cesse à l’église les missels et les bréviaires dont se servaient les Dominicains, et plus d’une des Mantellate possédaient un livre de prières qu’elles lisaient durant l’office divin, dans la Cappella delle Volte. L’une de ces sœurs, peut-être Alessia Saracini, appartenant à une noble famille (par conséquent instruite) et celle que l’on nomme la première parmi les amies de Catherine, lui procura un alphabet, et la jeune fille âgée de près de vingt ans se mit à apprendre ses lettres dans la solitude de sa cellule.

Les progrès étaient lents, et après plusieurs semaines de vains efforts, il lui sembla en être toujours au même point ; elle s’adressa alors à Jésus : « S’il te plait, Seigneur, que je puisse lire l’office et chanter tes louanges à l’église, viens à mon aide. Mais si ce n’est point ta volonté, je resterai bien volontiers dans mon ignorance actuelle, » lui dit-elle dans sa prière. Dès cet instant, les progrès furent rapides, et Catherine réussit enfin à lire couramment. Souvent, néanmoins, elle devinait