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de nos Alliés. Dans la guerre en rase campagne comme dans la lutte de tranchées, le chef d’infanterie muni d’une bonne jumelle sera capable d’apercevoir l’adversaire avant d’en être vu lui-même à l’œil nu.

Des tireurs d’élite étaient, en assez grand nombre, munis, dès 1914, d’appareils de télévision chez nos ennemis, et c’est ce qui, — avec la visibilité exagérée de nos galons d’or, — explique nos grandes pertes en officiers au début de la guerre. — On sait que la jumelle est formée par la combinaison de deux lunettes de Galilée. Les bonnes jumelles sont aujourd’hui à prismes ; ces instrumens ont un notable grossissement pour leurs petites dimensions et un champ assez étendu ; mais leur principale qualité provient de ce que l’action des prismes a pour effet d’accroître beaucoup le relief. Chacun sait en effet que la sensation du relief est due à la superposition des images différentes données par chaque œil ; il est évident que plus ces images seront différentes, plus le relief paraîtra accentué ; or, grâce aux prismes, les objectifs des deux lunettes de Galilée, des jumelles, peuvent être beaucoup plus écartés (en général deux fois plus) l’un de l’autre que les deux oculaires contre lesquels sont appliqués les yeux. C’est comme si, grâce à la concentration des rayons lumineux que rassemblent les prismes, on avait observé avec des yeux deux fois plus écartés l’un de l’autre qu’ils ne sont en réalité.

Les jumelles réglementaires d’artillerie portent d’ailleurs une graduation intérieure qui se superpose au paysage, et qui, divisée en « millièmes » (j’ai expliqué naguère quelle est cette unité), facilite la détermination rapide de certains élémens du tir.

Enfin, et grâce à un artifice que la place nous manque pour détailler ici et qui est fondé sur le principe appliqué aux télémètres et dont il sera question ci-dessous, les jumelles prismatiques transformées en jumelles stéréoscopiques non seulement deviennent des instrumens rapprochans et grossissans, mais donnent la valeur approchée des distances des objets.

Sous ses diverses formes, et grâce aussi à son faible encombrement, la jumelle est donc un auxiliaire précieux du combattant, quel qu’il soit.

Les Allemands, dès le début de la lutte de tranchées, ont muni certains tireurs spéciaux, dits « tireurs d’officiers, » de fusils sur lesquels était fixée, en guise de ligne de mire, une lunette à réticule à assez fort grossissement. — On sait assez ce qu’ont coûté ces engins, pointés en permanence sur les créneaux de nos tranchées, aux