Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’obscurité d’éclairer le terrain et aveuglée ou repérée dans ses attaques par les faisceaux ennemis des projecteurs dont elle serait elle-même démunie, son infériorité serait encore plus grande la nuit que le jour. Faute d’appareils optiques, les postes d’observation et de commandement verraient leur travail rendu presque impossible ou, en tout cas, beaucoup moins utile.

Enfin l’aviation elle-même ne pourrait ni assurer, par des visées précises, ses bombardemens, ni recueillir ces précieuses téléphotographies qui servent de base à la préparation des attaques et aux tirs de l’artillerie.

Tout ce que nous venons de dire n’est pas moins vrai de la guerre navale où les tirs se font à des distances qui les rendraient impossibles sans instrumens d’optique, et où l’arme moderne et redoutable, le sous-marin, ne puise précisément sa terrible efficacité que dans l’appareil optique qui lui permet de voir et de frapper sans être vu lui-même.

En un mot, on voit dès l’abord, en développant l’hypothèse que nous avons faite, ce qu’un examen un peu plus précis va nous démontrer mieux encore : que l’optique, sur terre comme sur mer, est une des armes les plus indispensables, car elle multiplie la précision et l’efficacité des armes proprement dites. Et c’est pourquoi je crois être fondé à dire dès maintenant, sans aucun paradoxe, que l’optique joue dans l’art de la guerre un rôle comparable à la révolution qu’elle a produite dans l’astronomie par l’invention des lunettes. Le pauvre Spinoza se fût sans doute récrié, — et pas seulement par modestie, — si on lui avait dit qu’un jour l’art de gagner les batailles puiserait une force nouvelle dans son métier, qui était, comme on sait, de polir des verres de lunette, la philosophie n’ayant jamais nourri son homme.


Il faut reconnaître sans fausse honte que, pour ce qui concerne l’infanterie, les Allemands avaient, au début de la guerre, beaucoup plus que nous, développé l’usage des instrumens d’optique. Depuis, heureusement, l’écart qui existait entre eux et nous à cet égard a été fortement diminué. Tout d’abord, la plupart de leurs gradés avaient dès le début de la campagne d’excellentes jumelles prismatiques ; aujourd’hui, nos cadres en sont largement munis aussi, et nous contribuons même pour une bonne part à l’approvisionnement