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vaisseaux, riche en capitaux, la Grande-Bretagne est pauvre de ces biens idéaux qui seuls assurent l’avenir : « le dévouement personnel, la sincérité intérieure, l’idéalisme. » Elle ne risque rien à la lutte : ni l’intégrité de son territoire, ni le sang de ses fils : « C’est le porte-monnaie de l’Angleterre qui se bat pour l’Angleterre. Pis encore : des gens de couleur font la guerre au compte de l’Angleterre, au cœur même de l’Europe. » Ceci indique un vice si grave que l’Angleterre a signé par-là sa déchéance ; elle n’est plus désormais que l’homme mûr dont la force décline ; « l’Allemagne est le gaillard jeune et vigoureux, dont les épaules s’élargissent d’elles-mêmes, dont les muscles s’endurcissent d’autant plus que la lutte est plus rude. » L’Allemagne enhardie ne dira plus désormais : l’Angleterre ou moi. Elle dira : l’Angleterre ou moi, sûre d’avance de son succès.

Ce qui va passer des mains de l’Angleterre aux mains de l’Allemagne, c’est l’honneur suprême de représenter dans le monde l’Europe, les peuples blancs. L’Europe est le continent blanc par excellence. Elle a donné naissance à la race qui domine toutes les autres races et les dépasse. Elle devait avoir l’orgueil de cette haute supériorité. Si des querelles s’élevaient dans son sein, elle devait mettre son honneur à les vider en famille, sans y mêler des voisins, des intrus ou des domestiques. Mais l’Angleterre ayant trahi la solidarité germanique a plus gravement encore rompu la solidarité européenne, en appelant sous ses drapeaux des noirs et des jaunes. Tout ce qui porte atteinte à la race blanche dans une de ses branches, ruine le prestige de toute cette race aux yeux des peuples inférieurs. Les noirs qui auront massacré des hommes blancs, maltraité des femmes blanches, humilié des prisonniers blancs pour le plus grand profil de la France et de l’Angleterre, oublieront vite les différences subtiles entre Allemands, Anglais, Belges et Français pour ne se souvenir que du fait brutal : des noirs ont impunément porté la main sur des blancs[1]. Et que dire de l’orgueil jaune, déjà si intolérable depuis Moukden, à présent qu’Anglais et Japonais sont entrés ensemble dans Tsing-Tao ?

La vérité, c’est que neutralité belge, militarisme allemand, atrocités de Belgique, sac de Louvain ne sont que prétextes

  1. L. Ninssen-Deiters énumère, p. 54-55, les prétendues atrocités qui auraient été commises dans les colonies allemandes par les troupes alliées.