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C’est sur cet angle d’équerre que le général Sakharoff méditait de se jeter. Mais au même moment, le commandement austro-allemand méditait lui-même un mouvement offensif en partant de ce saillant, et en avançant en direction de Lutzk, le dessein étant toujours de rompre le flanc gauche des forces russes engagées vers Vladimir-Volynsk et Kovel. Une masse de manœuvre avait donc été formée, qui comprenait le 15 juillet sept divisions d’infanterie et une masse de cavalerie, de quatre divisions, destinée à exploiter le succès. — Parmi les divisions d’infanterie se trouvaient les 7e, 48e et 61e divisions autrichiennes, ces deux dernières ramenées du Trentin ; les 22e, 43e et 108e divisions allemandes, la première venant du front de Dvinsk, la seconde du front de Verdun.

L’attaque allemande était projetée pour le 18 ; mais les Russes devancèrent l’ennemi et commencèrent le bombardement le 15, à quatre heures de l’après-midi depuis Bludoff à l’Ouest jusqu’à Zlotcheska à l’Est, c’est-à-dire sur la branche gauche de l’équerre austro-allemande, celle qui couvrait la Lipa. Le feu continua pendant la nuit, d’abord distribué sur toute la ligne, pour ne pas laisser reconnaître les points d’attaque, puis concentré sur les points des réseaux que l’on voulait détruire. A minuit devant le front d’un corps sibérien, les obus russes avaient ainsi ouvert dans les fils de fer ennemis dix avenues, chacune large de vingt pas. L’assaut eut lieu à trois heures du matin, l’attaque principale se faisant sur le front Chklin-Ugrinoff (un peu au Nord-Ouest de Gubin).

Les Autrichiens, enfoncés, se replièrent vers le Sud-Ouest, sur une ligne Pustomyli-Sviniatche-Krasov, où ils furent de nouveau battus le 16. Cette fois la défaite fut particulièrement grave. 13 000 prisonniers restaient aux mains des Russes avec 30 canons dont 17 lourds, et la rive gauche de la Lipa, en aval de Krasov, se trouvait complètement débarrassée d’ennemis.

Le général Sakharoff exécuta alors la manœuvre classique après rupture du front ennemi. L’ennemi s’était retiré vers l’Ouest en direction de Gorokhow. Au lieu de poursuivre dans cette direction, le commandant russe se borna à s’y établir sur le front~Sviniatche-Elizarov où il repoussa le 19 un retour offensif de l’ennemi ; — et avec le gros de ses troupes, il fit une conversion face au Sud, de façon à venir prendre en flanc le tronçon voisin, que son avance avait débordé. Dès le 17 les