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Deux énormes poches se trouvaient donc creusées dans la ligne autrichienne. L’Etat-major allemand essaya de parer au danger par un double procédé. Dans le trou ouvert entre le Dniester et le Pruth, il plaça un nouveau groupe de divisions qui forma une armée sous les ordres du général Kœvess. Dans le trou ouvert devant Lutzk, il forma avec des divisions principalement allemandes un groupe qui s’ajouta au commandement du général Linsingen, lequel fut chargé de conduire seul une contre-offensive de grand style. Voyons d’abord comment cette contre-offensive avait été montée.

Le 4 juin, les Autrichiens disposaient, du Pripet à la Bukowine, de 38 divisions d’infanterie et de 11 divisions de cavalerie, plus la 49e division allemande. Après quelques jours de combat, non seulement ces divisions avaient été dépensées, mais les quatre divisions tenues en réserve avaient été jetées dans la fournaise. Toutes les disponibilités autrichiennes étaient épuisées ; 17 divisions étaient retenues dans le Trentin, d’où elles ne pouvaient être retirées que par une seule ligne de chemin de fer. Il fallait donc que l’Allemagne vînt au secours de son alliée. Elle le fit avec beaucoup d’énergie et de décision.

Avec les réserves de trois divisions du front au Nord du Pripet (81e et 82e de réserve et 18e de Landwehr), elle constitua une division nouvelle. Elle en fit venir quatre de France (19e et 20e actives, 43e de réserve et 11e bavaroise) ; elle en appela trois du front de Russie septentrionale (10"7e, 108e et 22e). Voilà donc un renfort de 8 divisions ; deux divisions autrichiennes, la 51e et la 48e, purent être rappelées du Trentin. Au total, dix divisions fraîches constituèrent une masse de manœuvre, et furent mises sous le commandement du général von Linsingen.

Celui-ci forgea avec ces renforts une sorte de pince qu’il appliqua aux deux flancs du saillant que formait l’armée Kaledine en avant de Lutzk. Cette armée marchait maintenant de Lutzk sur Kovel, qui paraît avoir été son principal objectif. Elle avançait par deux routes : l’une, orientée vers le Nord-Ouest, est la chaussée directe Lutzk-Kovel ; l’autre, plus à gauche et orientée vers l’Ouest, est la chaussée Lutzk-Vladimir-Volynsk. Les Russes s’y avancèrent jusqu’à la région de Zaturtsy, puis, au lieu de continuer sur Vladimir-Volynsk, ils tirent colonne à droite, face au Nord-Ouest, par la rive droite de la Turia, et atteignirent le front Lejakkov-Makovitchi. Ils