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présenter les deux avantages essentiels des positions défensives : des communications à l’arrière, et un champ de tir à l’avant. Le front présentait un dessin tenaillé, avec des saillans et des indentations. L’accès de la position était rapide et commode, tandis que du côté autrichien, pour parvenir à la première ligne à travers une région découverte, il fallait parfois suivre des boyaux en zigzag sur une longueur supérieure à 1 700 mètres. Selon M. Stanley Washburn, cette difficulté d’accès explique le nombre considérable de prisonniers faits par les Russes. Imaginez une foule qui cherche à s’échapper par ces conduits sinueux. Elle s’entasse et ne s’écoule pas. Les hommes qui voudraient sortir en terrain découvert, tomberaient sous le feu des mitrailleuses que les Russes montaient immédiatement sur les positions conquises ; ceux qui atteindraient les issues tomberaient sous les barrages d’artillerie. Il ne restait qu’à se rendre.

Il y avait, en général, deux ou trois positions autrichiennes préparées ; mais les dernières étaient si peu tenues qu’il est arrivé aux Russes d’y devancer leurs propres défenseurs. La première position seule était défendue, mais très fortement : tranchées profondes couvertes d’un blindage, interrompues par des abris à mitrailleuses souvent en acier, parfois en béton ; ces tranchées communiquaient par des descentes avec des couloirs coudés qui menaient à des chambres d’officiers, jusqu’à 8 mètres au-dessous du sol de la tranchée. Le journaliste anglais déclare n’avoir rien vu de mieux sur le front occidental.

Les Russes n’essayèrent pas d’enlever toute la ligne : l’artillerie se contenta de creuser des avenues dans les défenses ennemies, par où l’infanterie pût passer.

Rompus devant Olyka, les Autrichiens se trouvaient rejetés dans la direction du Styr, qui coule à 25 kilomètres environ dans l’Ouest de la ville. Une grand’route, partie de Rovno, va traverser cette rivière à Lutzk, puis la côtoie quelque temps en direction du Nord et reprend devant Rojichtche son chemin au Nord-Ouest vers Kovel. Le chemin de fer qui a succédé à la route ne fait pas ce coude par Lutzk ; il coupe au court sur Rojichtche à travers les forêts. Lutzk, ainsi placé hors de la grande ligue, est en temps de paix une cité tranquille et isolée. Le Styr coule paresseusement dans une prairie, en faisant une grande courbe autour d’une colline ; sur cette colline, il y a un château du Moyen Age, qui commande le passage ; — une