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faire prendre le chemin le plus long, afin que les étrangers qui, comme moi, demeuraient encore dans la ville pussent jouir de cet affreux spectacle d’hommes, presque tous des notables, journalistes, médecins, anciens députés, attachés quatre par quatre, par les bras, suivant l’usage grec, surveillés par des matelots ivres, les yeux hagards, et qui les tenaient en joue, tandis que toute une populace, ivre encore de sang, suivait en proférant d’ignobles insultes, des menaces d’égorgement et des cris de mort[1]. »

Violations des lois organiques de l’Etat. — Les plus importantes de ces violations sont les suivantes :

a) La liberté de la presse fut supprimée au mépris de la loi, puisque l’autorité militaire interdit la circulation, et même la publication des journaux libéraux, sans qu’au préalable, aucune formalité fût accomplie et aucune mesure prise, de celles que stipule la constitution grecque, — sans qu’enfin aucun délit de droit commun pût être établi d’une manière certaine à la charge de ces journaux.

b) Les clauses de la charte constitutionnelle relatives à la liberté individuelle, à l’asile des citoyens, etc., furent également violées. Presque toutes les arrestations et perquisitions à domicile eurent lieu en effet sans que les formalités légales nécessaires fussent au préalable accomplies.

c) Les articles de la Constiution garantissant l’inamovibilité des fonctionnaires ne furent pas, eux non plus, respectés. Un grand nombre en effet de fonctionnaires de l’Etat et de la municipalité furent révoqués en masse, sans qu’aucune des clauses de la procédure prévue à ce sujet par la loi fût appliquée.

Délits contre la propriété privée des citoyens. — a) En premier lieu, de nombreuses maisons particulières furent attaquées violemment et détruites par la soldatesque, aussi bien à Athènes que dans les provinces. Il importe à ce propos de signaler le témoignage de M. Répoulis qui rapporte que, dans de nombreux cas, les premiers coups de feu tirés contre les maisons appartenant à des vénizélistes partirent de maisons appartenant à des personnages marquans de l’entourage du Roi. Il est, par exemple, incontestable que des coups de feu furent tirés de la maison de M. Streit, ancien ministre des

  1. Voyez l’interview que M. Fougères donna au Matin (n° du 19 décembre 1916), aussitôt rentré d’Athènes.