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maison est située en face de celle de M. Benakis, se trouvait sur son balcon, flanqué de sa femme, — une Hongroise, — et de plusieurs autres dames de la société, amies intimes de la Heine, invitées exprès, à l’heure où il savait que le maire d’Athènes serait arrêté. Le spectacle de l’arrestation et des tourmens, coups et humiliations qui furent infligés à l’honorable vieillard, amusa au plus haut degré tout ce beau monde. On remarqua même que Mme Ypsilanti applaudissait à tout rompre quand les soldats*se mirent à traîner leur victime à travers la rue.

Ecoutons encore le témoignage de M. Répoulis :

« Les personnes arrêtées sont écrouées dans la « Koramandantur, » les unes sur les autres, dans des chambres obscures et asphyxiantes, tandis que, du sous-sol du bâtiment, montent les gémissemens et les plaintes des victimes plus malheureuses encore qui sont en train d’être encore plus cruellement torturées.

« — Donnez-moi un peu d’eau, si vous êtes chrétien, — murmure un malheureux vieillard, exténué à force d’avoir été frappé et qui me fit lui-même, à bord du Marienbad, tout tremblant encore, le récit de ce qu’il a subi et qui ne prit fin que parce que, heureusement, l’ayant cru moribond, ses bourreaux l’élargirent après deux jours de détention, — un peu d’eau…

« Ce à quoi il reçoit la cruelle réponse que voici :

« — C’est défendu !

« Des vieilles femmes furent frappées, des jeunes filles violentées. Des petites filles furent l’objet des pires menaces pour leur arracher l’aveu de l’asile choisi par leurs parens ou pour apprendre si des armes se trouvaient cachées chez elles. Contre le ventre d’une pauvre femme du peuple trois pointes de baïonnettes se dressent menaçantes : on veut savoir d’elle où se trouve son mari, un ouvrier. C’est encore de la bouche de la victime elle-même que je l’ai appris à bord du Marienhad. »

Cependant, après avoir été humiliés et insultés, outragés et frappés, les vénizélistes détenus ne furent pas laissés tranquilles dans leurs cachots. Une suprême atteinte à leur dignité et à leur honneur leur était réservée. « Le dimanche matin, 3 décembre, rapporte M. Fougères, le distingué directeur de l’Ecole d’Athènes, eut lieu le transfert de ces prisonniers à la prison Avéroff. Pour les y conduire, on eut ce raffinement vraiment atroce de leur