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marins. D’après les instructions des gouvernemens de l’Entente, tous les pouvoirs à la fois diplomatiques et militaires se trouvaient concentrés entre ses mains, avec mission particulière de surveiller l’attitude du Roi. L’amiral partagea l’impression qu’avait recueillie M. Bénazet sur la sincérité de ce dernier, et estima que la surveillance devait se limiter aux milieux entourant le Roi.

Comment le Roi avait-il réussi à tromper si parfaitement le commandement français ? Le moyen dont il usa fut celui-ci : au cours d’une conversation qu’il eut avec M. Bénazet, il feignit de vouloir donner à la France un témoignage de son amitié, en récompense de quoi une concession concernant les rapports de l’Entente avec le gouvernement de Salonique lui serait consentie. À cet effet, il prit l’initiative de livrer à l’Entente un certain nombre de batteries et une certaine quantité de munitions grecques. Ce furent ces batteries et ces munitions que l’amiral du Fournet décida, vers la mi-novembre, de réclamer à la Grèce, réclamation destinée, semblait-il, à sauver les apparences et à couvrir le Roi, aussi bien vis-à-vis de l’Allemagne que vis-à-vis de son entourage et des élémens chauvins, qui seuls inspiraient des inquiétudes.

Il adressa donc, le 16 novembre, au gouvernement royal de Grèce, la note suivante :


À bord de la Provence, le 3-16 novembre 1916.

« Le vice-amiral Dartige du Fournet, commandant en chef de la 1re escadre navale, à Son Excellence M. le président du Conseil et ministre de l’Instruction publique.

« Monsieur le Président,

« Au cours des dernières semaines, le gouvernement grec a pu, dans plus d’une circonstance, s’assurer que les Puissances de l’Entente reconnaissaient formellement à la Grèce le droit de conserver sa neutralité dans le conflit actuel. Du reste, l’établissement, au Nord de la Thessalie, d’une zone neutre[1] vous garantit actuellement contre toute incursion de groupes armés comme celle qui eut lieu à Katerini.

« Le gouvernement grec a, d’un autre côté, réitéré des

  1. Il s’agit de la zone neutre établie pour séparer la partie de la Grèce restée soumise à l’autorité du roi Constantin de celle qui adhéra au mouvement national présidé par M. Venizelos.