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loués et exploités par des compagnies privées. Bref cette nation, jusqu’ici indifférente, a reconnu qu’en paix comme en guerre une flotte lui était indispensable.

Quelle prodigieuse aubaine la guerre apporte aux armateurs des pays neutres, c’est ce que leurs bilans, malgré de discrètes réticences, nous font assez connaître : si la Holland-American Line par exemple, qui dispose d’une flotte de 186 000 tonnes, n’a distribué qu’un dividende de 10 pour 100, soit 6 millions de florins, cela n’empêche pas qu’elle ait gagné à peu près 200 pour 100) ; seulement, le reste a passé en amortissemens et en réserves diverses, si bien que la flotte entière ne figure plus à l’actif que pour l’humble chiffre de 4 millions de florins, bien que la compagnie ait dépensé l’an dernier 13 millions de florins en constructions nouvelles.

Par ce seul détail nous pouvons considérer que les dividendes des compagnies de navigation, — 7 en Hollande, 6 en Suède, 11 en Danemark, — de 50 à 100 pour 100, déclarés par une dizaine, de 100 pour 100 même distribués par quelques-unes, ne sont que des minima très inférieurs aux revenus effectifs. Ceux-ci sont estimés pour la marine norvégienne à 815 millions. Pour lutter contre la spéculation et l’inflation, qui font acheter à prix d’or de vieux bateaux avec l’espoir de les payer en un seul voyage heureux, le gouvernement norvégien a fait voter une loi, suivant laquelle tout signataire d’un prospectus de lancement d’affaire nouvelle doit personnellement fournir 10 pour 100 du capital demandé au public. Quant aux compagnies anciennes, chez les Scandinaves comme chez tes Hollandais, leurs actions ont doublé et triplé.

En Angleterre, la flotte, dont 40 pour 100 a été réquisitionné par l’Etat, a cruellement souffert des torpillages et des mines ; mais sur les 21 millions de tonnes dont elle se composait, la moitié demeurée libre a réalisé des gains de plusieurs milliards, d’autant que l’armateur britannique, approvisionné sur place en charbon de Cardiff, ne supporte de ce chef aucune charge de transport. L’impôt de 50 à 60 pour 100, que l’Etat anglais a mis sur les bénéfices de guerre et qui lui rapporte 2 milliards 200 millions, se trouve payé en fait par les alliés et les neutres ; parce que les frets, du jour où la taxe a été établie, ont monté de 50 pour 100.

Le rendement de cet impôt ne nous fait pas connaître les