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en aucun point. Cela ne signifie pas d’ailleurs que le droit d’un État ne puisse être violé par un autre État ; mais lorsqu’une guerre éclate, qui pourra dire de quel côté est la justice ? Deux personnes morales indépendantes sont aux prises ; chacune subjectivement peut croire à la bonté de sa cause ; pas de juge, donc pas de loi ; d’où la maxime suivante qui ramène la pensée vers M. Wilson : « Aucune des deux parties (belligérantes) ne peut être tenue pour un ennemi injuste (puisque cela supposerait une sentence judiciaire) » (Paix perpétuelle, 1er sect., 6, p. 336.)

Ne semble-t-il pas que ce soit là le principe qui a déterminé la neutralité transcendante de M. Wilson ? Il ne juge pas parce qu’il n’y a rien à juger ; et il n’y a rien à juger parce qu’il n’y a pas de juge. Que M. Wilson ne porte pas sur les belligérans un jugement personnel, il faut en douter ; mais à ce jugement il ne peut donner une forme juridique, partant extérieure ; il ne tient pas la balance égale entre les belligérans, il n’a pas de balance pour les peser. De même, il ne demande pas de comptes aux belligérans ; il ne dit pas : comment ferez-vous la paix ? mais : qu’appelez-vous la paix et qu’appelez-vous une paix durable ?

La note des États-Unis s’exprime ainsi :


Le Président suggère qu’une occasion rapprochée soit recherchée pour demander à toutes les nations actuellement en guerre une déclaration publique de leurs vues respectives quant aux conditions auxquelles la guerre pourrait être terminée, et aux arrangemens qui seraient considérés comme satisfaisans, en tant que constituant des garanties contre le retour ou le déchaînement d’un conflit similaire dans l’avenir, de façon à pouvoir comparer ensemble en toute franchise leurs déclarations.

M. Wilson est indiffèrent quant aux moyens de réaliser ce qui précède[1]. Il serait heureux lui-même d’aider à son accomplissement, ou même de prendre l’initiative à cet égard de quelque façon qui puisse paraître acceptable ; mais il n’a pas le désir de fixer la méthode ni les moyens. Toute manière de procéder lui paraîtra acceptable, pourvu que le grand but qu’il poursuit soit atteint.


Qu’est-ce qu’une paix durable ? Le problème posé par la note va être résolu dans le message au Sénat américain. Pour analyser ce document, il convient d’en comparer les différentes parties avec les textes de Kant qui les éclairent.

De l’indépendance absolue des États-à l’égard les uns des

  1. Non souligné dans la note.