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fuir toutes les occasions de péché. À ces édifiantes homélies, il réplique simplement et avec gentillesse : « Je m’abstiens autant que je peux de faire des péchés mortels. Mais, pour ce qui est des bonnes œuvres, je ne suis pas encore arrivé au point d’en faire tous les huit jours. » D’ailleurs, ces légères discussions n’altéraient aucunement l’harmonie qui régnait entre d’Assay et sa famille. Plus tard, au cours de ses voyages, il ne sera question que des menus présens, des petits souvenirs d’amitié qu’échangeront le frère et la sœur. Il expédiait des morceaux de musique et les airs d’opéra nouveaux ; elle ripostait par des ballots de livres, du tabac fin, des bas de soie.

Quant à La Pouplinière, d’Assay semble avoir éprouvé pour ce beau-frère, de vingt ans plus âgé que lui, si puissant, si fastueux, une sorte de vénération mêlée, à doses égales, de frayeur et de gratitude. Le billet que voici, qui date de son séjour à Rome, donnera une idée du ton, de la nature de leurs relations familiales : « Monsieur et cher bon maître[1], de quelle faveur ne suis-je pas comblé en recevant une de vos lettres ? Des volumes entiers ne me coûteraient rien à écrire pour mériter toujours la même bonté. Je sais combien sont précieux tous vos momens, et assurément un polisson corme son io, ne devrait pas s’attendre d’en occuper quelques-uns ! Je me meurs de peur en vous écrivant, mon cher bon maître, que vous ne trouviez que j’aie oublié ma langue. Cela ne serait pas surprenant ; ici, depuis le matin jusqu’au soir, je lis et parle italien autant que je le puis. Quand ma chère sœur vous lit mes lettres, je suis bien persuadé qu’en bonne sœur elle a la charité de les traduire en beau français, et surtout de me passer les fautes d’orthographe. Je crains bien que vous n’ayez pas la même indulgence ! »

Ce fut La Pouplinière qui orienta la carrière du jeune homme et détermina le seul fait important qui ait marqué dans sa courte existence. Voici de quelle façon et dans quelles circonstances. En juillet 1739, Tencin, cardinal depuis peu, était expédié à Rome par Louis XV avec le titre de chargé d’affaires, pour y attendre le prochain conclave que l’âge et la santé précaire du pontife régnant, Clément XII, faisaient considérer comme proche. Les Tencin, frère et sœur, étaient

  1. 25 novembre 1740.