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Mais, à l’automne de 1739, où nous a conduits notre étude, aucun scandale n’était encore en germe, et les lambris du bel hôtel de la rue de Richelieu, qui prit bientôt le nom d’hôtel La Pouplinière, n’abritaient qu’un couple paisible, n’évoquaient que l’image du bonheur et de l’harmonie. Le fermier général en fit l’acquisition, pour la somme de 105 000 francs, de la demoiselle Villedo, qui l’avait loué à vie au président Hénault. Hénault céda son bail à M. de La Pouplinière et reçut en échange une rente de 5 000 francs, payable au président et à ses héritiers[1].

Une description qui date de la mort de La Pouplinière permet de se représenter l’aménagement de la maison. Au premier étage, sur la rue, se trouvait la salle à manger, meublée de sièges de velours d’Utrecht jaune, et égayée d’une quinzaine de tableaux. Ensuite, une « salle de compagnie, » avec des meubles de satin broché, un « clavecin de bois, façon de la Chine » et « des groupes figurant des nymphes. » Un autre salon, plus petit, donnait sur la chambre à coucher du maître du logis. A l’entresol, et au bout d’une petite galerie, étaient son cabinet de travail et sa bibliothèque. La chambre de Thérèse, à l’étage supérieur, communiquait par un vestiaire avec un cabinet de toilette, appelé aussi cabinet de musique, qui semble avoir été le séjour favori de Mme de La Pouplinière, la pièce où elle se tenait d’habitude, où elle recevait ses intimes. ; C’est là que, par la suite, se jouera le drame de sa vie. Cette sorte de boudoir, d’un luxe de bon goût, était tendu de damas bleu, avec des rideaux assortis ; sur les murs, cinq tableaux de maîtres ; un trumeau, renfermé dans un cadre de bois doré, surmontait la grande cheminée, la cheminée devenue historique ; çà et là, des fauteuils, un clavecin de bois peint, une toilette garnie de dentelles, une écritoire en marqueterie avec des ornemens de cuivre, bref tout l’appareil ordinaire du sanctuaire d’une femme élégante.

Le personnel était nombreux : maître d’hôtel, secrétaire » femme de charge, chef de cuisine, rôtisseur, valet de chambre, valet de chambre chirurgien, cochers, laquais et postillons, outre les services accessoires. Pour son service particulier, Thérèse avait un valet de chambre, deux femmes de chambre

  1. Cucuel, loc. cit. La description qui suit est extraite du même ouvrage.