Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/768

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supporter des fatigues extrêmes, mais les bêtes ont besoin de manger, de dormir, de se reposer aux heures coutumières. Un général de cavalerie a signalé le manque de convois automobiles accompagnant la cavalerie, l’insuffisance des agens du contre-espionnage dans un pays que les ennemis avaient d’avance préparé ; et surtout, la liaison incomplète avec les infanteries de soutien qui eussent dû être transportées en automobile comme le faisaient les Allemands. La circulaire du général en chef datée du 24 août donne aussitôt des ordres pour qu’il soit remédié à ces défectuosités. La cavalerie allemande (qui fut d’ailleurs loin d’être parfaite et qui s’épuisa au moins autant que la nôtre) avait pour rôle de couvrir et de découvrir ; elle faisait le voile devant nos troupes, les attirait et les conduisait sur des positions organisées. Le cavalier ennemi se faisait prendre ou tuer plutôt que de laisser percer le mystère que les troupes d’avant-postes couvraient de leur rideau mouvant.

Quand on connaîtra mieux le rôle de notre cavalerie, on appréciera les efforts hardis et ingénieux qu’elle fit pour soulever ce rideau : elle y parvint rarement. Ajoutons, pour bien établir à quel point la collecte des renseignemens était difficile, qu’en fait, les grandes armées allemandes qui devaient être engagées dans la « Bataille des Ardennes » ne quittèrent leurs abris et notamment les camps retranchés de Metz, Thionville et leurs cantonnemens du grand-duché de Luxembourg qu’à partir du 19. Avant cette date, le terrain boisé des Ardennes paraissait vide et, sauf les troupes de couverture et les patrouilles de cavalerie, il était vide, en effet.

Cette observation explique aussi l’insuffisance des renseignemens par avion. Peu nombreux, les avions français voyaient peu parce qu’il y avait peu avoir. A partir du 19, c’est-à-dire dès que les armées allemandes se mettent en mouvement, les renseignemens soit par cavalerie, soit par avions, se multiplient, se précisent. Ils signalent ces longues colonnes en marche, ils découvrent ces lignes organisées, ils observent ces bivouacs nouveaux qui se massent à proximité des forces françaises. Mais c’est déjà bien tard. L’opinion que les ennemis bluffent, qu’on est en présence d’un simple rideau de cavalerie et de « mouvemens sans importance, » cette opinion s’est répandue. L’ennemi s’étant soigneusement caché aux vues verticales, ayant