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immédiate. On n’établira jamais assez clairement ces origines, car si on les laisse s’obscurcir, on portera atteinte au caractère de la guerre elle-même.

Le plan militaire est en connexion absolue avec le plan diplomatique et, à ce point de vue, l’aveu de Heinecke est doublement précieux. Reprenons sa phrase principale : « Les armées allemandes devaient fondre toutes ensemble sur l’adversaire, se précipiter en avant dans un brusque mouvement concentrique, aller chercher et anéantir, dès le début de la campagne, le gros des forces ennemies ; le premier but était d’écraser tout de suite la France et de la contraindre à traiter…, » et rapprochons cette phrase de celles prononcées par le chancelier Bethmann-Hollweg et par le ministre von Jagow au cours des débats diplomatiques qui précédèrent, de la part de l’Allemagne, la déclaration de guerre : « Croyez bien, dit M. de Jagow au baron Beyens, que c’est la mort dans l’âme que l’Allemagne se résout à violer la neutralité de la Belgique. Que voulez-vous ? C’est une question de vie ou de mort pour l’Empire, Si les armées allemandes ne veulent pas être prises entre l’enclume et le marteau, elles doivent frapper un grand coup du côté de la France, pour pouvoir ensuite se retourner contre la Russie. — Mais, dit le baron Beyens, les frontières de la France sont assez étendues pour que l’on puisse éviter de passer par la Belgique. — Elles sont trop fortifiées… » Et du même Jagow parlant à l’ambassadeur d’Angleterre : « C’est pour nous une question de vie ou de mort ; car si nous avions passé plus au Sud, nous n’aurions pu, vu le petit nombre de chemins et la force des forteresses, espérer passer sans rencontrer une opposition formidable. » Ne citons que pour mémoire l’entretien fameux de l’ambassadeur d’Angleterre avec le chancelier, avec cette affirmation allemande sans cesse répétée : « L’invasion de la Belgique, c’est pour l’Empire une question de vie ou de mort. » Et la formule définitive de la thèse impériale donnée par le ministre des Affaires étrangères : « La sécurité de l’Empire exige d’une façon absolue que les armées allemandes traversent la Belgique. » (Livre Bleu, n°160.)

Or, il ne s’agissait pas seulement de la Belgique du Nord de la Meuse, mais aussi de la Belgique du Sud ; il ne s’agissait pas seulement de la Belgique, il s’agissait aussi du Luxembourg.