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deux parties, le sentiment de ce que seraient ces rencontres de peuples en armes.

Ayant exposé dans l’Histoire de la guerre de 1914 le détail des marches et des combats, je voudrais essayer de dégager ici le sens et la portée stratégiques et tactiques de la Bataille des Ardennes proprement dite, c’est-à-dire de la première partie de ces engagemens, celle qui se passe sur la frontière franco-belge et qui s’achève par la retraite générale sur la Meuse, le 25 au soir ; la deuxième phase se déroule sur le territoire français : c’est la Bataille de la Meuse, dont je réserve l’exposé pour une étude ultérieure.


PLAN DE CAMPAGNE DE L’ARMÉE ALLEMANDE

Comme je crois l’avoir établi, le plan général de l’État-major allemand s’inspirait des idées du feu maréchal von Schlieffen, ancien chef d’État-major général, proclamé par l’empereur Guillaume le plus « génial » de ses hommes de guerre.

Ce plan ne comportait pas seulement, comme on l’a trop répété, un mouvement d’aile droite visant Paris et l’enveloppement de la gauche des armées de Joffre ; il disposait l’ensemble des armées allemandes en la forme d’une tenaille dont l’une des branches s’avançait vers la trouée de Charmes et l’autre par la Belgique vers l’Oise, l’Aisne et la Marne. Quant au centre, qui servait d’articulation, il était réservé pour tomber sur les armées de Joffre, une fois qu’elles se trouveraient prises dans la pince et bousculées par la double attaque de flanc, quelque part vers Châlons ou vers Dijon. Tout cela se passerait, selon l’expression de Schlieffen, « comme dans la cour de la caserne, comme à l’école de bataillon. » Celle stratégie supérieure « spécialement allemande » et « surnapoléonienne » se promettait d’anéantir les armées françaises en une seule fois par enveloppement et écrasement.

« Les armées opérant d’après cette doctrine, écrivait Schlieffen lui-même dans son fameux article Cannae, se portent en une longue ligne de bataille contre la ligne adverse beaucoup plus étroite et disposée en profondeur. Les ailes, constituant des échelons avancés, se rabattent contre les flancs, tandis que la cavalerie, poussée en avant, gagne les derrières des forces ennemies. Dans le cas où les ailes forment des corps