Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/729

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos têtes, promènent la mort. Un vent de laideur et de crime souffle en tempête sur le monde…

C’est du reste de notre Europe qu’est venu tout le mal. Et pourtant avons-nous été assez fiers de notre progrès ! Ces Hindous contemplatifs, tous ces peuples d’Orient qui nous dépassaient dans l’intuition des choses métaphysiques, même dans la poésie, dans le rêve, les avons-nous toisés d’assez haut, parce qu’ils avaient le bonheur d’être un peu des arriérés de la science positive et ignoraient le tournoiement désordonné des soleils, ainsi que les secrets de la chimie, la composition de cette mélinite ou de cette cheddite qui nous fauchent par milliers ! Et, pour achever la confusion de notre orgueil, en plein milieu de notre Europe, une race non perfectible a pullulé plus vite que les autres, cette race de Germanie qui déjà, au temps de Varus, emplissait de dégoût les Romains par son incroyable mélange de férocité et de mensonge ; tout lui est bon pour tuer, à cette race de rebut, non seulement les obus énormes et les balles pointues, mais encore les toxiques, les microbes et les virus ; il semble qu’elle ait reçu, de la part de cet élément de la Trinité hindoue qui fut dénommé Shiva, prince de la Mort, la mission spéciale d’exterminer ; le rôle où elle se complaît rappelle celui de ces poissons voraces qui se réunissent par myriades et passent leur vie à manger les autres. Et, même quand nous aurons vaincu sa force homicide, elle demeurera parfaitement destructive de tout calme et de toute beauté, en développant à outrance son Industrie, qui est la négation de l’Art, en propageant partout l’usine, qui est l’étiolement physique de l’homme et l’exploitation des pauvres ouvriers en troupeaux. Ils s’en vont, hélas ! les petits métiers d’autrefois, où chacun, loin des hauts fourneaux meurtriers, exerçait librement son habileté personnelle et son artistique fantaisie ; ils s’en vont, et bientôt l’Orient même ne les connaîtra plus… Cher Orient, qui demain aura cessé d’exister et qui était pourtant le dernier refuge de ceux qui souhaitent encore vivre dans le silence, la méditation, peut-être la prière, sans entendre les sifflets des machines, les résonnances des ferrailles, ni les discours subversifs et ineptes, arrosés d’alcool ! Et le calme, hélas ! nous sera refusé de plus en plus, à nous et à notre descendance, pendant ces temps, très comptés sans doute, qui restent encore à nos races humaines pour vivre et se reproduire, au milieu du