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Retrouverons-nous quelque jour des interprètes qui ne calomnieront pas les chefs-d’œuvre de Grétry ? Quels chanteurs, quels comédiens, quels directeurs de théâtre oseront et sauront nous les rendre avec respect, avec amour ! Enfin rassasiés, dégoûtés même parfois de ce qu’on appela trop longtemps « l’avenir, » l’avenir allemand, il fera bon alors de se réfugier un peu dans notre passé de France, de remonter à nos origines, à nos sources. La musique de Grétry compte parmi les plus fraîches et les plus pures. Elle est tempérée, elle est aimable, et depuis vingt ou trente ans il faut bien reconnaître que la musique française a quelque peu désappris la tempérance et l’amabilité.

« Aujourd’hui le luxe règne partout… C’est cependant lorsque le luxe s’est introduit dans les arts qu’ils ont besoin de modération. J’ai parlé ci-devant d’une sorte de régime auquel le musicien compositeur doit s’astreindre pour ne pas se dégoûter de son art, qu’il doit aimer et pratiquer toujours avec un nouveau plaisir. Ce n’est pas de ce régime dont il est à présent question : c’est d’user avec sobriété des richesses des instrumens et des effets d’harmonie dont nous abusons. »

Déjà ! Voilà des considérations que Nietzsche lui-même, le Nietzsche seconde manière, l’anti-wagnérien, ne traiterait pas d’« inactuelles. »

Et voici, tirées des Essais toujours, de semblables et non moins opportunes leçons :

« Il est une autre manie qui s’accrédite maintenant et qui est d’autant plus dangereuse qu’elle en impose au commun des auditeurs : c’est celle de faire beaucoup de bruit, dont je veux parler. Il semble que, depuis la prise de la Bastille, on ne doive plus faire de musique en France qu’à coups de canon. Erreur détestable, qui dispense de goût, de grâce, d’invention, de vérité, de mélodie, et même d’harmonie, car elle ne fut jamais dans le bruit… Tout nous commande donc de rétrograder vers la simplicité. Soyons sûrs qu’elle aura pour nous tout le charme de la nouveauté et que, telle qu’une maîtresse charmante qui daigne nous pardonner une infidélité, nous la retrouverons plus aimable encore. »

Un peu plus loin : « Faire trop fut toujours le cachet de