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cent huit Chambres de commerce et celle du conseil impérial du commerce.

Les colonies, d’autre part, favorisèrent le mouvement. L’Australie en particulier, dont les tendances ultra-interventionnistes sont connues, envoya à Londres, au printemps de 1916, son premier ministre, M. William Hughes, lequel lit en Angleterre une ardente campagne protectionniste, montrant ce qu’était avant la guerre l’emprise germanique dans le grand continent austral, comment l’Allemagne était parvenue à y monopoliser le commerce des métaux, et à quels moyens énergiques le gouvernement avait dû recourir pour briser l’étreinte : défendez-vous, disait-il aux Anglais, défendons-nous contre l’ennemi commun ; organisons l’union impériale, afin qu’après la guerre le mot « Empire » signifie quelque chose de plus qu’il n’a fait jusqu’ici. On conçoit que l’appel venu des « nouvelles sociétés anglo-saxonnes » n’ait pu laisser insensible l’opinion britannique. Après le sang versé pour la cause commune par tant de volontaires coloniaux, canadiens, sud-africains, anzacs, sur les champs de bataille d’Europe, comment la mère patrie ne se serait-elle pas senti, avec une grande dette de reconnaissance envers ses colonies, le devoir d’écouter leur voix avec sympathie et de leur réserver ses plus larges faveurs dans son futur régime économique ? De cette émotion impérialiste, de la popularité de M. Hugues, la vague protectionniste grossit en Angleterre, et un moment on put croire qu’elle allait tout submerger.

Cependant le roc libre-échangiste, s’il était entamé, tenait bon, et ses défenseurs répondaient avec énergie aux attaques. Respectez le libre-échange, disaient-ils : il a été justifié par la guerre, en ce sens qu’il a permis à notre pays de supporter l’épreuve mieux que tout autre. Si l’on a laissé de dangereux monopoles allemands prendre pied sur notre sol, ce n’est pas à lui la faute, mais à notre infériorité technique et scientifique, à notre inertie et à notre routine : voilà ce qu’il nous faut corriger. Après la guerre, les lois économiques, les règles du bon sens continueront à régir le monde, et plus que jamais la liberté nous sera nécessaire pour assurer notre suprématie commerciale, On veut la guerre économique après la paix ? Mais une telle guerre nuirait plus encore peut-être à ceux qui la feraient qu’à ceux à qui on la ferait ; renoncera-t-on à vendre, en même