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O’Shaughnessy, par les seuls étrangers dont il goûte vraiment la compagnie : MM. Hennessy et Martell. M. Lindt, dépité et furieux, repart pour la Veracruz. Le bruit inopportun qui s’était fait autour de son arrivée dans la capitale, n’avait pu, joint aux ruses de Huerta, que rendre stériles tous les pourparlers. Et puis Carranza, dans le Nord, vient de déclarer qu’il ne tolérerait aucune intervention étrangère : Huerta peut-il faire moins ? « Car tel est l’Américain-Latin : il a beau savoir que vous connaissez ses affaires ; il a beau savoir que vous savez qu’il sait que vous les savez… Il n’admet pas, il ne supportera pas que la publicité s’en mêle. Nous voilà donc en bonne passe, » conclut l’écrivain.

L’ultimatum de la Maison-Blanche est d’ailleurs le signal du gâchis complet et d’une affreuse anarchie. Les Carranzistes progressent de divers côtés. Le pillage a ses coudées franches. Sur maints réseaux, les trains sont arrêtés par des bandes, à moins qu’on ne les fasse sauter. « C’est vraiment, dit Mme O’Shaughnessy, la danse de la mort, et il me semble que les violens, c’est nous. » Tuxpam, ville industrielle dans la région pétrolifère, est menacée. « Nous espérons, écrit l’auteur, que la Louisiana, envoyée dans ces parages, arrivera à temps pour bombarder les insurgés qui se grisent de leurs succès et ne rêvent que destruction. Les propriétaires, alarmés pour leurs biens, interrogent l’avenir avec effroi. Protégerons-nous leurs intérêts ou leur permettrons-nous de se protéger eux-mêmes ?… Notre Gouvernement a déclaré qu’il ne considérerait pas les concessions accordées durant le régime de Huerta comme liant les Mexicains… C’est à se frotter les yeux. »

Ce que le monde diplomatique à Mexico redoutait le plus, en cas de rupture, c’était l’interrègne, le temps qui s’écoulerait entre le départ du chargé d’affaires et l’entrée des troupes américaines. « les diplomates étrangers prévoient, écrit Mme O’Shaughnessy, la mise à sac de la ville et le massacre des habitans : leurs protecteurs naturels, les troupes fédérales mexicaines, devant être occupés à combattre l’ennemi. Or l’ennemi, c’est nous. Les diplomates répètent que Washington sera tenu pour responsable des événemens si leurs craintes se réalisent. Mais cette perspective n’est pour eux qu’un médiocre réconfort. L’idée qui prévaut chez tous les étrangers, c’est que nous suivons au Mexique un programme d’épuisement et de